L’industrie des produits de spécialité comme débouché pour les agriculteurs


Aux États-Unis, 90% des fermes sont des petites ou moyennes fermes (ventes annuelles < $1M). A côté de la vente directe, prisée mais offrant des débouchés limités, et des intermédiaires imposant des conditions trop contraignantes pour ces fermes, l’industrie des aliments de spécialité se présente de plus en plus comme une option. Ces produits transformés, fins et de haute gamme, sont écoulés principalement par des détaillants et des services de restauration. Ils misent sur la recherche croissante par le consommateur de certains attributs de qualité, signalés par un label ou la communication. L’attribut « local » est l’un des plus recherchés, ce qui crée un potentiel, encore peu étudié, pour des relations d’affaires privilégiées entre petites et moyennes fermes d’un côté et transformateurs de produits alimentaires haut de gamme de l’autre.

Cette recherche se base les données issues de 240 questionnaires complétés par des transformateurs alimentaires dans trois régions (Minnesota/Wisconsin, Oregon/Washington, Californie), ainsi que 60 entretiens qualitatifs conduits avec des agriculteurs et des transformateurs. La recherche couvre l’utilisation de produits laitiers, de viande, de fruits et légumes et de céréales comme ingrédients pour la transformation. Ses résultats ont permis de caractériser les acteurs, de définir leurs relations commerciales et de discuter du potentiel d’affaires entre les parties.

Les acteurs

Les transformateurs ayant répondu à l’enquête ont été classés en 5 catégories de taille selon le montant des ventes annuelles. 43% sont dans la tranche la plus faible (<$100 000 de ventes annuelles), alors que 17 % vendent pour plus de 5 millions de $ par an. Pour 48%, le principal ingrédient est les fruits et légumes. La commercialisation des produits se fait d’abord dans des épiceries spécialisées (75%), puis dans des supermarchés (62%), des restaurants (56%) ou encore en ligne (55%). On note des différences selon la taille du transformateur : les plus gros sont plus présents dans les supermarchés, mais utilisent moins les marchés fermiers et la vente par Internet. Du côté de leur approvisionnement, les distributeurs sont les fournisseurs principaux les plus souvent cités (27%). Mais en combinant l’achat auprès des fermes intégrées par des transformateurs (22%) et l’achat direct auprès d’autres fermes (25%), les fermes apparaissent tout de même comme le premier fournisseur d’ingrédients pour 47% des transformateurs. Les grands transformateurs ont des fournisseurs diversifiés alors que l’intégration verticale et un nombre réduit de fournisseurs sont courants chez les plus petits. Pour les fermes, la fourniture d’ingrédients aux transformateurs reste dans l’ensemble une stratégie complémentaire (moins de 20% des ventes annuelles).

La relation commerciale

Qui se ressemble s’assemble : ce sont les plus grands transformateurs qui achètent directement aux plus grandes fermes, alors que les petits acheteurs font affaire avec les fermes plus petites. Point très intéressant : 72% des acheteurs sont en mesure d’identifier au moins une ferme qui les approvisionne. Dans ces relations commerciales, les ententes sont principalement informelles, la poignée de main faisant office de contrat. La part de contrats formels augmente toutefois avec la taille des entreprises. Globalement, les relations qui s’instaurent sont des relations stables qui s’installent dans la durée. Pour les ingrédients clés, la plupart des transformateurs ont toujours été en relation avec le même fournisseur principal.

Les potentialités

Plusieurs éléments favorisent ou limitent l’établissement de relations d’affaires réussies entre les fermes et les transformateurs de produits de spécialité. Parmi 13 critères de choix d’un fournisseur jugés « très importants », la qualité arrive en tête des attributs cités, suivie de la sécurité sanitaire, des volumes disponibles toute l’année, du prix et de l’origine régionale ou locale des ingrédients. Il apparaît que le fait - pour un transformateur - de pouvoir identifier au moins une ferme partenaire est significativement lié aux critères les plus valorisés. Ainsi, ceux qui ne sont pas en mesure d’identifier une ferme comme fournisseur accordent plus d’importance aux volumes disponibles et au prix. À l’inverse, l’origine du produit, la détention d’une certification sans OGM ou la possibilité de raconter, à des fins de marketing, une « histoire » autour de l’ingrédient utilisé prennent significativement plus d’importance pour les transformateurs pouvant identifier une ferme comme fournisseur.

Les obstacles à l’approvisionnement direct auprès d’une ferme sont davantage évoqués par les transformateurs qui ne peuvent pas identifier au moins une ferme comme fournisseur : discontinuité de l’offre agricole sur l’année, non-respect des normes de sécurité sanitaire, prix et volumes insuffisants, sont les freins les plus évoqués. Quoi qu’il en soit, la plupart des transformateurs s’approvisionnent auprès de divers fournisseurs et ceux qui ont expérimenté l’approvisionnement auprès des fermes ont su contourner ces obstacles et établir des relations commerciales stables.

Les enseignements

Cette recherche souligne que l’industrie des produits de spécialité peut être un débouché complémentaire à la vente directe pour les petits et moyens agriculteurs. Le fait que la qualité et le caractère local des produits soient des attributs importants pour les industriels de l’étude est prometteur pour les petites et moyennes fermes qui voudraient intégrer ce marché. Il est intéressant de souligner que des relations commerciales reposant sur des ententes informelles peuvent néanmoins rester stables. La flexibilité permise par ces relations verticales de proximité contribue à la compétitivité de ces circuits de commercialisation et la confiance, nécessaire à cette forme de coordination apparait aussi comme un bénéfice. Les opportunités relevées dans ces trois régions aux États-Unis pourraient être transposées au Québec où l’attrait pour les produits de spécialité est en croissance.

pdf N°5, fiche n°2 - juin 2019 - juillet 2019

Fiche n°2, Bulletin n°5 – juin 2019 – juillet 2019
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 6 novembre 2023 08:07
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Publication

1 juin 2019

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6 novembre 2023 09:13

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