Le numérique est une ressource critique et limitée

Même en faisant le choix de s’appuyer fortement sur le numérique comme un levier d'accélération de transition écologique, il est important de ne pas perdre de vue que les nombreux équipements nécessaires à ce secteur (appareils, réseau…) font de lui une ressource limitée, à l’opposé de l’image diffuse et infinie entretenue par les offres d’accès illimité et la vision populaire de l’avenir nécessairement « tout numérique ».

Une dépendance aux ressources naturelles, non-renouvelables

De fait, le secteur dépend pour fonctionner de ressources non renouvelables et son approvisionnement au long terme risque d’être de plus en plus contraint par la disponibilité décroissante de celles-ci.

Les métaux

Les réseaux sont gourmands en grands métaux (cuivre, aluminium), alors que nos appareils nécessitent une quantité de petits métaux (tantale, gallium, germanium) et de métaux précieux (or, platine). Bien que consommés en très faibles quantités, ces métaux sont vite devenus indispensables par leurs caractéristiques exceptionnelles qui servent à amplifier les performances de nos équipements.

Le niveau critique de ces ressources peut varier, et est établi selon les réserves estimées dans l’écorce terrestre et les rythmes d’exploitation prévus, mais aussi la répartition de ces ressources sur la planète et le nombre d’entreprises et de pays qui composent l’offre. Les enjeux les plus importants à courts et moyens termes semblent concerner principalement des tensions d’approvisionnement (ruptures, pénuries plus ou moins étendues) liées à une inadéquation entre une demande explosive et des capacités d’offre ne pouvant pas s’ajuster à temps (inertie technique pour installer des sites, coûts d’exploitation, rendements décroissants, interdépendance économique entre les métaux, etc.).

Entre 2000 et 2018, la demande pour les métaux dits « de base » a augmenté de 96 % et celle des métaux plus spécialisés, de 144 %. La situation monopolistique de certains maillons de la chaîne de production pourrait également comporter des risques géopolitiques, tout comme la concentration de certains métaux : la Chine dispose par exemple de plus de 80 % des réserves de tungstène, et de plus de 90 % des réserves d’antimoine connues.

L'eau

Le numérique consomme également de grands volumes d’eau tout au long de son cycle de vie : lors de l’extraction des minerais, dans la production de composantes électroniques, mais aussi pour refroidir les serveurs des centres informatiques. Or, les besoins hydriques du numérique entrent de plus en plus en concurrence avec d’autres usages, comme l’approvisionnement des populations locales et de l’agriculture. Cette situation de rivalité est déjà source de fortes tensions, notamment lorsqu’elle se manifeste dans des zones soumises à un stress hydrique important. Par exemple, l’extraction de lithium dans le désert d’Atacama, au nord du Chili, occasionne l’épuisement de la nappe aquifère de la région, et de ce fait, empêche la possibilité de développer des pratiques agricoles.

Gérer le numérique comme une ressource collective

Compte tenu de son aspect limité et critique, il est essentiel de commencer à gérer la ressource numérique de manière collective - afin de la prioriser là où elle apporte une réelle plus-value, et pouvoir renoncer aux usages qui n'en apportent pas et dont l'existence est incompatible avec la transition écologique. Des choix devront se faire tôt ou tard (et se font déjà de manière plus ponctuelle). Étant donné les inégalités d'accès au numérique au Québec, il est important de prévoir ces choix pour que la répartition puisse se faire sur une base plus équitable et démocratique, et moins abrupte que des décisions liées au marché. 

Le Québec vit une fracture numérique aux facettes multiples: même si être « branché » est devenu une exigence de la vie quotidienne, environ 10% des foyers avaient un accès nul ou très limité à Internet en 2020 (pour des raisons techniques et financières) et une partie des utilisateur.ices n'avait pas les connaissances ou les capacités d'utiliser les technologies numériques (la « littératie numérique ») pour répondre à leurs besoins. Sans accès à Internet, les personnes se retrouvent exclues d'une quantité croissante de biens et services seulement accessibles en ligne. Bien souvent, ces inégalités se superposent à d'autres, notamment socio-économiques et territoriales. 

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Cette note termine le carnet « La transition numérique suit des trajectoires incompatibles avec la transition écologique ». Que faire à la lumière de ces constats? Si le coeur vous en dit, je vous invite à consulter le carnet complémentaire « Bâtir un numérique plus soutenable » qui vise à apporter des éléments de réponse.

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Ce carnet a été rédigé à partir des travaux du Défi numérique de Chemins de transition. Vous pouvez consulter le site internet de l'initiative pour retrouver l'ensemble des ressources disponibles. 

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L'image utilisée pour cette note est celle de Elaine Casap trouvée sur Unsplash.