Circuits courts : quelles sont les fermes qui vendent en ligne ?

L’accès aux consommateurs, pour les producteurs situés en région rurale reste un enjeu important et la vente en ligne, en leur permettant de desservir un public plus lointain, présente des avantages potentiels tant pour les consommateurs que pour les fermes. Les fermes en circuits courts plus proches des villes peuvent aussi en tirer parti en misant sur les interactions directes avec leurs clients pour les fidéliser. Pour les consommateurs, l’achat en ligne est susceptible enfin de réduire le coût d’accès à l’information et autres coûts de transaction.

En se servant des données d’une enquête nationale auprès des fermes en circuits courts réalisée par la USDA aux États-Unis en 2015, cet article a cherché à déterminer les facteurs qui affectent la décision d’une ferme de recourir à la vente en ligne. La population d’enquête est constituée des 4664 fermes ayant répondu à l’enquête. Les auteurs utilisent divers modèles économétriques pour identifier et tester les facteurs les plus pertinents permettant d’expliquer le recours à la vente en ligne.

Vendre en ligne : ruralité, démographie et capital humain

Avant même d’en arriver aux modèles, un simple examen des données de l’enquête permet d’observer quelques caractéristiques frappantes des fermes en circuits courts en matière d’utilisation de plateformes en ligne. Ce canal reste encore marginal, avec 8% seulement des fermes qui l’utilisent, même si la plupart des fermes (60%) utilisent Internet pour toutes sortes de besoins. La grande majorité (85%) des fermes qui vendent directement au consommateur se retrouve dans les villes ou dans les municipalités proches des villes, mais l’importance des ventes en ligne ne varie pas avec la localisation des fermes. Les fermes qui vendent en ligne sont aussi les plus grosses fermes et celles qui génèrent le plus de revenus issus des circuits courts (jusqu’à 4 fois celui des autres fermes en circuits courts), avec la plupart des ventes réalisées dans la région. Les données indiquent également que les fermes qui vendent en ligne priorisent les produits non périssables, même si dans les villes cette tendance est moins présente.

Le premier modèle a généré une première série de résultats sur les facteurs qui influencent significativement les chances qu’une ferme en circuits courts vende des produits sur Internet. De ce point de vue, l’année 2009 est une année charnière puisque c’est l’année qui marque la mise en place à grande échelle de politiques rurales visant à faciliter l’accès à une bonne connexion Internet même dans les régions reculées des États-Unis. De fait, l’analyse montre que le fait pour une ferme de commencer à vendre en circuits courts après 2009 augmente de 3% les chances qu’elle ait recours à la vente sur Internet. Un facteur ethnique ou culturel joue également. Les fermes ayant au moins un Latino-Américain ou composées totalement d’exploitants blancs ont plus de chances (8% et 6%, respectivement) de recourir à la vente sur Internet. Cela pourrait s’expliquer par des différences culturelles ou socioéconomiques dans les habitudes d’achat de la clientèle ciblée par ces exploitations. La présence d’au moins une femme comme exploitante augmente de 3% les chances d’utiliser une plateforme de commercialisation en ligne. Cela étonne un peu car des études précédentes avaient trouvé que ce sont au contraire les exploitants masculins les plus enclins à utiliser Internet. Enfin, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, l’âge des agriculteurs ne réduit pas la probabilité d’avoir recours à la vente en ligne.

Dans une deuxième étape, les auteurs ont ajouté de nouvelles variables dans le modèle. Quand bien même le degré de ruralité (urbain, proche d’un centre urbain, rural et éloigné de tout centre urbain) d’une municipalité n’influence pas à lui seul le choix de vendre par Internet, les nouvelles fermes en circuits courts (celles d’après 2009, selon les auteurs) en régions éloignées ont 7% plus de chances de choisir la vente en ligne comme moyen d’écouler leurs produits, comparées aux anciennes fermes de ces régions éloignées. Toujours par rapport à cette dernière catégorie de fermes, le fait de se situer dans une municipalité métropolitaine ou adjacente à une ville réduit, de 5% et de 7% respectivement, ces chances.

Dans une troisième étape, les auteurs ont encore ajouté des variables. Ils se sont intéressés à deux aspects :

  • Le fait pour les agriculteurs d’utiliser internet quotidiennement (ce qui permet de penser qu’ils ont les compétences pour faire de la vente en ligne)
  • Le fait pour les agriculteurs de vendre des produits à plus forte valeur ajoutée comme du lait embouteillé ou de la viande (car ces produits pourraient être mieux adaptés à la vente en ligne).

L’analyse confirme que ces deux variables influencent positivement la décision de vendre par Internet. Cependant, il existe un flou sur le sens de la relation, puisqu’il est difficile de séparer la cause de l’effet. Les auteurs notent toutefois que le fait d’être une ferme récente (installée après 2009) dans une région éloignée a un effet positif encore plus prononcé sur les chances de choisir la vente en ligne, ce qui n’était pas le cas avant 2009, où c’étaient les fermes dans des municipalités proches d’une métropole qui avaient plus de chances de recourir à la vente en ligne de produits à valeur ajoutée. Dans l’ensemble, ces résultats montrent un intérêt plus marqué des nouvelles fermes en circuits courts dans les zones rurales éloignées pour la vente en ligne, confirmant ainsi l’hypothèse d’un avantage géographique à vendre en ligne en circuits courts, et confirmant par la même occasion l’importance de disposer dans les régions rurales d’un bon accès à internet.

Les enseignements

La COVID-19 a accéléré une course, qui existait déjà, pour les parts de marché en ligne dans le secteur agroalimentaire. La compétition reste forte, de grandes chaines investissent avec des ressources qui sont évidemment sans commune mesure avec celles des producteurs. Cet article suggère qu’il y a un avantage spatial à vendre en ligne pour les fermes en circuits courts situées dans des régions à faible densité de population, puisque cela leur permet d’accéder à des consommateurs éloignés. Cela ne se fera pas sans un meilleur accès à Internet et les politiques publiques d’appui au développement des réseaux ont un rôle majeur à jouer, comme ce fut le cas aux États-Unis à partir de 2009.

pdf N°11, fiche n°4 - juin 2020 - juillet 2020

Fiche n°4, Bulletin n°11 – juin 2020 – juillet 2020
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 24 octobre 2023 18:17
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Circuit court, Fiche

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Publication

1 juin 2020

Modification

10 novembre 2023 11:26

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