La demande de produits en circuits courts : une demande fragile ?


Aux États‐Unis, les supermarchés et les hypermarchés augmentent leur offre de produits alimentaires locaux, en particulier de fruits et de légumes. Ces produits locaux étant traditionnellement associés aux circuits courts, la perspective d’une concurrence directe apparait. Les petites fermes, surreprésentées dans les circuits courts (82% des fermes) et plus dépendantes du revenu de ces ventes (35% de leurs ventes agricoles totales) que les autres fermes, sont les plus exposées. Mais cette concurrence ne se produira que si les consommateurs et les consommatrices voient les produits de ces détaillants comme un substitut.

Les statistiques montrent l’importance des fruits et légumes dans l’offre et la demande de produits en circuits courts. A partir d’une enquête réalisée par l’USDA (U.S. Department of Agriculture) auprès d’un échantillon national représentatif de 4670 ménages, les auteurs trouvent un effet positif relativement important de la demande en fruits et légumes sur la probabilité d’acheter en circuits courts. L’effet positif de la densité de fermes en circuits courts sur le territoire est également considérable. D’autres facteurs souvent évoqués dans la littérature et pouvant conférer un avantage concurrentiel aux circuits courts ont certes une influence, mais elle s’avère en fin de compte relativement faible.

A la recherche des facteurs déterminants du choix d’acheter en circuits courts

Les profils des consommateurs et des consommatrices qui achètent en circuits courts ont été largement étudiés. Une préoccupation pour la qualité du régime alimentaire, un intérêt pour les questions de nutrition, le plaisir de cuisiner, l’importance accordée aux repas en famille ainsi que la pratique du jardinage, sont autant de facteurs, entre autres, qui leur sont souvent associés. Toutefois, ces études ne disent pas si l’achat en circuits courts est principalement motivé par les produits locaux offerts (surtout les fruits et les légumes) ou par des raisons qui rendent ces circuits uniques.

Des statistiques descriptives ne suffisent pas à répondre à ces questions, selon les auteurs. Deux modèles économétriques ont donc été construits pour répondre à ces questions : un modèle adoptant une démarche habituelle où le choix d’acheter en circuits courts est fonction du revenu et d’un indice de prix; un autre modèle qui fait dépendre ce choix du budget alloué aux fruits et légumes et de celui alloué autres produits alimentaires. Les autres facteurs habituellement associés à l’achat en circuits courts sont inclus dans chacun des modèles. Ces modèles se basent sur l’hypothèse que le choix du circuit se fait après avoir effectué le choix des produits et leur avoir alloué un budget. Chaque modèle fournit la probabilité d’acheter en circuits courts. Les auteurs ont aussi procédé à un test de robustesse et à des simulations.

Les résultats

Le premier modèle confirme l’influence des variables habituellement avancées pour expliquer le choix d’acheter en circuits courts. Nommément, les variables significatives sont : le revenu, le prix (indice du coût de la vie), l’âge et le sexe, des variables liées à l’origine ethnique, la pratique du jardinage, la qualité du régime alimentaire, le fait d’être informé sur la nutrition, la consommation pendant la saison estivale et enfin, la densité de fermes en circuits courts dans l’État. La pratique du jardinage et la densité des fermes en circuits courts se démarquent par leurs effets positifs élevés sur la probabilité d’acheter en circuits courts. La proximité de fermes en circuits courts peut être une incitation à s’y approvisionner. Le fait que le jardinage ait aussi un effet positif tiendrait aux occasions de partage de connaissances sur l’agriculture que la vente directe offre à ces personnes, une possibilité que les épiceries peuvent difficilement offrir.

Les résultats du second modèle permettent de voir ce qui change avec l’introduction du montant des dépenses pour les fruits et légumes. La densité de fermes en circuits courts, la saison, la pratique du jardinage et le sexe restent des variables significatives. Le fait que le jardinage soit resté significatif et que sa pratique augmente de 3% les chances d’acheter en circuits courts permet de souligner qu’au moins pour cette catégorie de personnes, les circuits courts ont un attrait spécifique qui les différencie des grands détaillants. Le résultat significatif le plus frappant est l’effet marginal positif relativement élevé, trouvé pour les dépenses en fruits et légumes. Une augmentation de ces dépenses de 10 $ induit une augmentation de 11% de la probabilité d’acheter en circuits courts. Les dépenses en fruits et légumes sont donc une variable clé de l’approvisionnement en circuits courts et les simulations effectuées par les auteurs conduisent à une augmentation rapide de la probabilité de s’approvisionner en circuits courts à mesure qu’on fait croitre ces dépenses.

Les enseignements

Le choix du produit à consommer précède le choix du lieu d’approvisionnement. Le choix du lieu va bien entendu être influencé par la diversité des produits offerts, la proximité géographique et les prix proposés. L’originalité de cette recherche est toutefois de montrer que plus les ménages consomment des fruits et légumes frais, plus ils auront tendance à s’approvisionner en circuits courts. Intensifier la communication institutionnelle en faveur de la consommation régulière de fruits et légumes frais pourrait avoir comme effet indirect de faire croître les ventes en circuits courts.

Mais ces résultats montrent aussi certains risques pour les fermes en circuits courts. D’une part, les détaillants ont tendance à augmenter leur offre en produits frais et locaux, ce qui pourrait accroître la concurrence. D’autre part, la consommation en fruits et légumes frais a tendance à diminuer structurellement malgré les vertus qu’on leur attribue. Ainsi, les fermes en circuits courts pourraient être les premières victimes de cette évolution de la consommation alimentaire.

pdf N°1, fiche n°1 - octobre 2018 ‐ novembre 2018

Fiche n°1, Bulletin n°1 – octobre 2018 – novembre 2018
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Ce bulletin vous est offert avec le soutien du Partenariat canadien pour l’agriculture.

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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 9 novembre 2023 15:08
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Circuit court, Fiche

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Publication

1 octobre 2018

Modification

10 novembre 2023 07:32

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