Atelier Paysan : « Aller vers une socialisation de l’alimentation »

Par Ballast | " de jeunes ingénieurs agronomes ont appelé à déserter les postes pour lesquels ils ont été formés. « Nous voyons plutôt que l’agro-industrie mène une guerre au vivant et à la paysannerie partout sur Terre. Nous ne voyons pas les sciences et techniques comme neutres et apolitiques. »

  • Reprendre la terre aux machines
    • Un projet politique: "l’autonomie paysanne est le projet politique collectif qui émancipera celles et ceux qui travaillent la terre, tout en assurant une alimentation de qualité à l’ensemble de la population."
    • Pour y parvenir, nous avons besoin de socialiser l'alimentation
  • Besoin de libérer les paysan·nes de la dépendance technique
    • En créant des outils
      • par et pour les paysan·nes " ce sont des groupes de paysans et de paysannes qui, partant du principe que la dépendance technique est un des principaux freins à l’autonomie paysanne, ont eu besoin de se réunir pour concevoir leur propre outil : outillage, machine, bâtiment."
      • mis en commun "inventent des prototypes qui sont regroupés dans un pot commun animé par une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), détenue par les paysans et les paysannes."
    • En proposant des outils, guides, formations
      • mis en commun : "proposer des brochures, des vidéos, des plans, pour mettre à disposition ce pot commun de technologies paysannes."
      • + 1000 inventions en open source: "il y a un millier de technologies paysannes référencées sur le site Internet, dont environ 200 qui sont passées par des groupes définis"
    • En organisant des activités de diffusion
      • Via l'enseignement et la formation : "On essaye d’aller dans l’enseignement agricole, de participer à des rencontres paysannes diverses et variées. Enfin, une partie de la stratégie de diffusion passe par la formation."
  • L'agriculture paysanne est un outil de transformation sociale
    • À l'échelle mondiale, c'est l'agriculture paysanne qui nourrit le monde
      • "À l’échelle de la planète, on estime que 70 % de la production alimentaire est faite dans un cadre paysan, par des structures quasiment vivrières et non-mécanisées"
    • En France, l'agriculture paysanne a pratiquement disparue
      • "On a subi plusieurs phases de ce qui a été appelé la modernisation agricole, qui a fait disparaître les paysans comme la paysannerie"
    • L'agriculture paysanne est un projet politique
      • "l’agriculture paysanne est plutôt un projet politique, qu’on pourrait qualifier comme celui de l’autonomie paysanne, mais aussi alimentaire."
    • L'agroécologie paysanne regroupe plusieurs concepts
      • le bio, mais surtout
      • l'autonomie "vis-à-vis des grandes industries donc de la filière des pesticides, de la mécanisation, de la zootechnie industrielle…"
  • "Comment articuler une alternative « par le bas » comme l’Atelier paysan et une transformation sociale qui agisse à un niveau structurel ?"
    • Besoin d'aller au-delà de l'agriculture biologique
      • "Si on regarde honnêtement les chiffres, c’est évident : plus il y a de bio, plus il y a de fermes-usines. Donc, il n’y a aucun lien entre le développement de nos alternatives, qui sont de plus en plus nombreuses, et un quelconque recul de l’agro-industrie."
    • Besoin d'aller au-delà des stratégies de marché et des logiques de compétition
      • "Or, on n’abat pas le marché par une stratégie de marché. C’est bien d’une logique de compétition en agriculture et dans l’alimentation dont il faut sortir. Sortir de l’idée que l’alternative qui est la nôtre finira par recouvrir l’idéologie dominante par sa seule exemplarité."
    • On se trouve dans un paradoxe où
      • On doit supporter les niches paysannes actuelles
        • "On doit évidemment continuer l’alternative, car elle sauve la vie de ceux qui s’y engagent et parce qu’elle permet de socialiser le savoir-faire nécessaire à la généralisation d’une autre agriculture."
      • Et en parallèle, créer un rapport de force
        • "Pour pouvoir bâtir autre chose qu’une logique de marché, nous devons nous attaquer au fonctionnement des réseaux alimentaires à l’échelle de la société et pas seulement à celle des communautés."
    • Besoin de changer notre discours pour quitter l'action individuelle et aller vers des actions collectives 
      • "Il nous faut modifier notre discours : ne plus dire que nos alternatives vont changer le monde, mais proposer un projet politique commun, à la fois pour les gens qui veulent sauver la planète et pour ceux qui n’ont pas même accès à l’alimentation frelatée que propose l’industrie."
    • Besoin de discuter avec les « survivants » de l’ethnocide paysan
      • La majorité des paysans conventionnels sont coincés par le système agro-industriel
        • Ces paysans et paysannes ont été pris dans un système d’intégration par les firmes agro-industrielles. (...) Ce sont des gens coincés mais qui pourtant fournissent, tout en étant très peu, 90 % de ce qui est consommé dans le pays."
      • La majorité des paysans conventionels sont les grands perdants de la modernisation
        • "ils vivent avec un salaire de misère, sont endettés jusqu’au cou et sont complètement dépendants des fluctuations des cours mondiaux, du collecteur de lait ou du marché de demi-gros régional. Ce sont eux qu’on retrouve pendus dans leur grange lorsque ça se passe mal."
      • Besoin de s'adresser à elleux avec un discours politique et socio-économique plutôt que moraliste
        • Besoin de leur donner raison
          • "Plutôt que de traiter l’autre d’assassin parce qu’il utilise des pesticides, il convient de ne pas en rester aux conséquences néfastes — ce qu’on a appelé « écologisme » dans notre livre — mais aussi de comprendre les tenants."
        • Besoin de " reconnaître qu’ils ne peuvent pas sortir des pesticides sans que leur filière ne s’effondre."
          • "Si les néonicotinoïdes sont interdits sans rien changer d’autre, c’est l’effondrement de la filière sucre, l’importation massive de sucres ayant beaucoup plus de néonicotinoïdes (depuis la Pologne), et l’augmentation massive des prix."
        • Besoin de reconnaître que les agriculteurs ne sont pas responsables du modèle agroalimentaire
          • "Les responsables, ce sont des politiques publiques menées par un complexe agro-industriel qui leur est extérieur et qui leur a été imposé dans la douleur."
    • Besoin d'installer 1 million de paysan·nes en France dans les prochaines années
      • Nous sommes entrés dans une ère d'effondrement qui va amener de + en + de gens à devenir paysan·ne
        • "des gens, quelles que soient leur classe sociale, choisissent de déserter les villes et d’arrêter de produire de la merde pour le capitalisme. (...) On est entré dans une période d’effondrement et à chaque choc il y aura de plus en plus de monde prêt à faire ces choix."
      • On n'a pas la capacité de recevoir ces néo-ruraux actuellement
        • "On estime aujourd’hui qu’il y aurait 20 000 personnes prêtes à franchir le pas de l’installation chaque année, dont 6 000 ou 7 000 personnes comme paysans"
      • Un changement de vie qui est limité aux plus privilégiés
        • Des choix qui sont situés socialement : "Ils sont en majorité ceux de cadres avec un fort capital culturel. Pour pouvoir les faire, il faut déjà accéder à un imaginaire selon lequel il est possible de changer de vie afin de s’installer en milieu rural, qu’il est possible de quitter l’anonymat urbain pour devenir quelqu’un à la campagne"
        • Des choix qui nécessitent la capacité de se battre : "c’est un parcours du combattant que de trouver un bout de terre, de franchir toutes les étapes administratives, d’obtenir les faveurs du banquier."
      • Une transformation sociale nécessitera de sortir de la frange des privilégiés
        • "en tant que coopérative paysanne, on a le devoir d’accueillir tout le monde sans participer à romantiser le secteur. On doit prévenir chacun sur ce que sera la réalité."
  • Les low-techs vont-elles devenir la nouvelle récupération « greenwashée » ?
    • C’est déjà fait quand on apporte une réponse technique face à des problèmes sociaux-économiques
      • "Les approches low-techs sont extrêmement séduisantes pour un certain nombre de gens de bonnes volontés qui veulent sauver la planète. Mais les problèmes auxquels on fait face (...) ne sont pas des problèmes techniques, ce sont des problèmes socio-économiques, de justice sociale, de propriété privée, etc."
    • Les low-techs doivent être développés par des paysan·nes et non des ingénieur·es
      • "Changer le paradigme des technologies, c’est changer ses conditions de production : il est fondamental que ce ne soient pas des ingénieurs qui innovent pour des usagers, et c’est le grand impensé de l’approche low-tech. Quand ce sont les usagers qui conçoivent eux-mêmes, produisent leur savoir, on renverse le paradigme et on sort d’une approche solutionniste."
  • Quelles pistes pour une souveraineté alimentaire?
    • Fixer des prix minimums d’entrée d’un produit sur le territoire
      • "Avec un prix minimum d’entrée, tout le monde doit s’aligner sur celui-ci, ce qui garantit qu’une valeur ajoutée reste dans le pays exportateur plutôt que d’être captée par l’État importateur. Ça permet à des États moins productifs de rentrer sur le marché"
    • Lutter pour une désescalade technologique
      • "De la même façon qu’on a fait savoir il y a vingt ans que les OGM allaient se déverser partout — quelles en étaient les causes et les conséquences — il faut faire pareil sur la numérisation et la robotisation des champs."
      • "On est persuadés que comme pour les OGM, on va trouver des alliés en dehors du monde paysan pour attaquer ce projet de société délirant."
    • Nourrir le projet politique pour une socialisation de l'alimentation
      • Besoin d'augmenter le prix pour assurer des salaires viables aux paysan·nes
        • "Pour que les producteurs aient un revenu et de quoi en vivre, il faudrait une augmentation des coûts de production, donc des prix."
      • Besoin de déconnecter la capacité à s'alimenter du revenu individuel
        • " En supportant collectivement le coût de production général, les aléas climatiques, etc., (...)
        •  épiceries solidaires  pratiquant des prix différenciés (les revenus de certains permettent l’achat à d’autres) sont une forme de socialisation (...)
        • cantines solidaires (...)
        • réseaux de ravitaillement des luttes ."
      • Ultimement, besoin d'une  sécurité sociale de l'alimentation
        • "Il s’agirait de doter la Sécurité sociale d’une branche alimentation, en s’appuyant sur l’imaginaire de la Sécurité sociale à ses débuts — et non ce qu’elle est devenue après soixante-dix ans d’attaques du patronat."
      • Une proposition en émergence
        • 150 euros/mois/personne :
          • "lever des cotisations permettant de garantir 150 euros par mois et par personne d’un foyer dès la naissance, de manière universelle, sans condition de ressource. C’est une moyenne calculée de ce qu’on considère comme un minimum pour se nourrir convenablement."
        • une monnaie gérée au-delà de l'État et du marché"
          • "Ces 150 euros seraient sur une monnaie marquée : ils ne pourraient être dépensés que pour les produits conventionnés. La puissance politique de la proposition réside dans le conventionnement : l’imaginaire posé sur la table est « ni État ni marché »."
        • passer d'un droit à l'alimentation à un droit à l'alimentation choisie fondée sur une démocratie radicale
          • "On passerait d’un droit à l’alimentation à un droit à l’alimentation choisie en connaissances de causes — et tous les mots sont importants. Ça nécessitera de bâtir des institutions les plus locales possible, avec le plus de démocratie directe possible, et non sur la base de seules préférences gustatives."
        • des choix pris en connaissance de cause
          • "Choisir en connaissances de cause revient à connaître les conséquences de produire tel aliment à grande échelle dans le territoire, de se demander combien de paysans doivent s’installer pour ça, à quel revenu, avec quels impacts sur les prairies, les montagnes, les forêts…"

https://www.revue-ballast.fr/atelier-paysan-aller-vers-une-socialisation-de-lalimentation

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Intégré par Marie-Soleil L'Allier, le 1 mars 2023 13:43
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Publication

24 août 2022

Modification

29 août 2023 14:35

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