Tant vaut le village, tant vaut le pays

Document produit par Solidarité rurale du Québec en hiver 1998.
Importé par Projet collectif en 2023.

pdf Tant vaut le village, tant vaut le pays Solidarité rurale du Québec 1998

Page couverture

Difficultés et défis du monde rural

Le monde rural dont on parle maintenant n'est évidemment pas le monde rural ancien, assimilé à l'agriculcure. C'est ce monde formé par l'ensemble des communautés humaines de taille relativement petite, implantées dans des territoires à faible densité de population et relativement peu cons­truits, où se retrouvent des personnes occupées à de nombreuses activités, aussi bien du  secteur primaire que des secteurs secondaire et tertiaire.

Or, c'est ce monde qui est confronté à un proces­sus très sévère de déclin et de déstructuration qui désagrège ou risque de désagréger de grands pans du territoire rural québécois. Au Québec, c'est une bonne moitié des quelques 1 250 localités de 5 000 personnes et moins qui vivent un processus de dévitalisation.

À travers des choix qui seront faits et les actions qui seront entreprises, le monde rural - mais aussi le Québec dans son entier - décidera soit de construire une ruralité forte et dynamique, soit d'accepter un relative désertification des campagnes et leur transformation graduelle en arrière-cours des milieux urbains ou en parcs de production agroforestière fonctionnant un peu à la façon des parcs industriels ou récréatifs.

Comme le dit Bernard Vachon, directeur du Groupe de recherche en aménagement et en développement des espaces ruraux et régionaux de l'Université du Québec à Montréal, « le système dominant de croissance macro-économique génère des exclus toujours plus nombreux, des individus, des quartiers, des villages, des régions entières. Le degré de dépendance de ces exclus pèse de plus en plus LOURDEMENT sur toute la société au niveau des emplois, des revenus des personnes, de la santé physique et mentale et de la vitalité des collectivités. Existe-t-il d'autres solutions, questionne monsieur Vachon, que l'option actuelle de concentration des richesses humaines, financières et technologiques sur quelques pôles et axes de croissance ? » (Tiré d'une conférence de Solidarité rurale du Québec s'intitulant « Approche de développement et stratégie d'action»).

Les défis que nous pouvons identifier touchent à chacun des aspects de la vie rurale : sa base sociale et démographique, ses activités économiques, son statut politico-administratif, ses ressources et son environnement, ses institutions et ses services et enfin, ses liens avec le monde urbain. C'est à travers ces défis que le monde rural pourra maintenir et renforcer une identité riche de ses particularismes.

Photo : Bill Binzm

Défis socio-démographiques

  • Consolider sa base démographique et raffermir son tissu social;
  • Favoriser l'arrivée de nouveaux venus et le retour de ceux qui ont quitté;
  • Avoir un rapport de confiance en l'avenir;
  • Voir au renouvellement du leadership, de la vie démocratique et de la vie associative.

Défis de la diversification économique

  • Développer une activité économique préservant des solidarités communautaires, des relations vivifiantes et une qualité de vie;
  • Réussir la diversification économique en misant sur les particularités;
  • Produire davantage des biens et des services qui seront consommés localement et régionalement.

Défis politico-administratifs

  • Gagner une marge suffisante d'autonomie politico-administrative et résister à la concentration d'activités;
  • Consolider l'autonomie de l'espace rural par rapport à l'espace urbain pour en conserver la spécificité; 
  • Maintenir les services de base et les développer pour l'expression d'une forme de société plus humaine;
  • Réinventer les modalités de livraison des services de base tout en préservant leur efficacité.

Défis de l'environnement

  • Maîtriser le développement de son territoire et de ses ressources afin d'assurer leur protection;
  • S'engager pleinement dans la protection de l'environnement et en assumer la responsabilité.

Défis des liens villes-campagnes

  • Réussir la revalorisation et le respect de l'identité rurale;
  • Réinventer les liens qui unissent les villes et les campagnes, élaborer UN nouveau « pacte » rural-urbain.

Défis de nouvelles valeurs

  • Bâtir des solidarités communautaires permettant l'entraide et la coopération;
  • Investir dans l'entraide communautaire pour un équili­bre favorable à l'épanouissement des uns et des autres.

Soulignons que si ces défis sont d'abord ceux du monde rural, ils sont aussi ceux de la société québécoise dans son ensemble qui a tout intérêt à soutenir sa ruralité et à reconnaître la fonction et la place particulière qu'elle occupe puisqu'elle comporte de nombreux avantages.

« . . .préserver et mettre en valeur le territoire, les paysages, assurer la pérennité des ressources à la base de notre structure économique, offrir une alternative à la vie urbaine qui corresponde à davantage de convivialité, de sécurité, de calme, de solidarité et de soutien mutuel. En bref, les avantages sont de trois ordres: d'abord économiques car les productions peuvent coûter moins chères en milieu rural qu'à la ville : taxes, coût d'installation, ... ; puis sociaux et culturels car on peut offrir une alternative de vie plus solidaire et sécuritaire, où l'on maintient un modèle de communauté et de culture sociale; enfin, environnementaux car les commu­nautés rurales sont mieux à même de prendre en charge la protection de la nature par une mise en valeur dont dépend souvent leur emploi, de même que l'embellissement et la préservation des territoires qu'ils occupent. » (Rapport Opération des villages prospères)

Photo: Julie Perreault

La déclaration du monde rural

En dénonçant la concentra tion et la compétitivité ainsi qu'en revendiquant la prise en considération de la per­sonne, les États généraux du monde rural de 1991 ouvraient une brèche dans un système en train de compromettre la réalité rurale. En fait, certaines analyses récentes nous démontrent comment les mutations rurales actuelles camouflent, non pas une crise économique, mais d'abord une crise de société et surcout une crise de l'économique dans la société. Devant cet état de situation et lors des États généraux du monde rural, bon nombre d'organisations s'engageaient à bâtir une nouvelle société rurale.

Les États généraux du monde rural, réunis à Montréal les 3, 4 et 5 février 1991.

Conscients de leurs responsabilités face aux Québécoises et aux Québécois;
Convaincus que le monde rural est actuellement confronté à une
grave crise structurelle dam tous les secteurs de l'activité humaine et naturelle; Décidés à prendre en main le développement général et particulier du milieu rural; Prêts à vivre en solidarité d'action dans chacune der régions et entre elles;
Assurés de parler art nom de l'intérêt particulier et général der citoyennes et der citoyens du milieu rural;

S'engagent solennellement
À tout mettre en œuvre dans leur domaine d'interventions respectif pour favoriser la concrétisation du modèle de développement rural tel que défini par l'exercice des États généraux;
A respecter les éléments spécifiques qui ont été dégagés et qui sont à la base de l'édification de la nouvelle ruralité.
Ces éléments sont les suivants :
✓    La valorisation de la personne;
✓    La prise en charge, par le milieu, de son avenir;
✓    Le respect et la promotion des valeurs régionales et locales;
✓    La concertation der partenaires locaux et régionaux;
✓    La diversification de la base économique régionale;
✓    La protection et la régénération des ressources;
✓    Le rééquilibrage der pouvoirs politiques du haut vers le bas;
✓    La promotion de mesures alternatives pour un développement durable.

Par cet engagement, nous nous rangeons résolument aux côtés de ceux et celles qui travaillent à inventer et à bâtir une nouvelle société rurale et non pas aux côtés de ceux et celles qui considèrent la désertification de l'espace rural comme une fatalité.

Photo: Julie Perreault

Un développement rural: global, territorial et durable

Le monde rural a ses particularités; il est un milieu de vie distinct, choisi et désiré par les per­ sonnes qui l'habitent. Pour Solidarité rurale du Québec, le développement rural s'inspire de la déclaration du monde rural adoptée lors des États généraux du monde rural en 1991. L'essentiel de cette proclamation oppose au modèle de développement économique actuel des éléments permettant l'édification d'une nouvelle ruralité.

« Le monde rural regroupe, sur un immense terri­toire, un ensemble d'activités, une structure de peuplement, une organisation et des équipements qui le différencie du milieu urbain. » (VACHON, B. Le Québec 'l'llral dam IOIIS Jt.l états, Éditions Boréal, 1991, 311 p.)

De plus, il règne dans ce monde rural, un rapport à l'espace et au temps qui le caractérise, c'est à dire une relation étroite encre les étendues de territoire et le rythme de vie. Selon Raymond Lacombe, prési­dent de Sol et Civilisation (France), le monde rural se définit comme suit:

« Des hommes, des territoires et des produits »

Cette définition induit qu'en milieu rural tout est lié et interrelié, elle sous-tend une interaction harmonieuse et pondérée encre les habitants, les territoires et les activités. Au-delà du rapport espace/temps et de l'interaction habitants/terri­toires/activités, le monde rural ne pourra s'épanouir que dans une perspective globale, territoriale et durable.

Consciente que la seule recherche de la croissance économique qui inspire principalement les grands décideurs n'a pas réglé et ne peut pas régler les problèmes qui confrontent le monde rural et notre société en général, Solidarité rurale du Québec propose une approche globale du développement intégrant l'ensemble des activités d'une commu­nauté. Il faut traiter les problèmes et les enjeux de développement comme étant imbriqués et liés les uns aux autres si l'on veut développer une communauté.

Consciente que l'exploitation du monde rural par d'autres ne peut assurer le développement permanent d'une communauté, Solidarité rurale du Québec propose également une approche territoriale impliquant la communauté et mettant en valeur ses propres ressources naturelles, humaines et financières.

Consciente qu'une recherche de profits et de crois­sance à court terme qui n'est pas contrebalancée par une préoccupation de durabilité, conduit à des déséquilibres dévastateurs, Solidarité rurale du Québec propose une approche durable qui assure la pérennité d'une communauté et de ses ressources.

Solidarité rurale du Québec opte donc pour un développement rural qui implique la commu­nauté, qui intègre l'ensemble de ses activités, qui mette en valeur ses ressources, et qui lui assure une pérennité.

DÉVELOPPEMENT RURAL

Une interaction harmonieuse et pondérée entre les territoires, les villages et les activités.

  • Approche globale - Qui intègre l'ensemble des activités d'une communauté.
  • Approche territoriale - Qui implique la communauté et met en valeur ses propres ressources naturelles, humaines et financières.
  • Approche durable - Qui assure la pérennité d'une communauté et de ses ressources.

Les conditions de réussite du développement rural

La connaissance des milieux ruraux et les résultats d'une étude menée auprès d'une vingtaine de vil­ lages prospères (Rapport d'un groupe de travail s'intitulant « Opération des villages prOJpèro " déposé dans le cadre du Sommet sur l'é­conomie et l'emploi qui se tenait à l'automne 1997.), font dire qu'une communauté se revitalise très souvent lorsque quelques clés du développement sont réunies.

La première clé du succès est, sans contredit, celle du leadership. C'est l'initiative humaine qui fait la différence encre une communauté en développe­ ment et une communauté en difficulté. S'il n'y avait pas eu à St-Camille des gens pour prendre en main les destinées de l'ancien magasin général, il n'y aurait pas aujourd'hui cet indispensable lieu de rencontre pour la communauté que constitue le Centre culturel « Le P'tit Bonheur » employant huit personnes.

La confiance en l'avenir entraîne avec elle l'espoir et l'énergie nécessaires au renouveau d'une communauté. Vouloir mettre un frein à la dévitalisation en semant de l'espoir ou bien en refusant la fatalité aura, très souvent, permis l'enclenchement d'exercice de prise en charge du développement. D'ailleurs, plusieurs localités s'inscrivent dans ce scénario, Sacré-Cœur et son usine Boisaco; St-Narcisse avec sa Fête de la Solidarité; Baie-du-Febvre et ses oies blanches; Scotstown et son développement touristique, St-Raymond-de-Portneuf et son plan de relance, etc. Toutes ces localités auront eu à faire face à de grandes difficultés mais elles se sont toutes tournées intensément et positivement vers l'avenir.

L'épaulement collectif représente l'implication des populations dans le développement de leur communauté. N'eût été de cette précieuse participa­tion de la communauté dans ses activités de développement, bien des projets de développement n'auraient pu voir le jour. La communauté de Manseau s'est fortement mobilisée et impliquée autour d'un projet de réou­ verture de la seule quincaillerie du vil­lage. En l'espace de quelques semaines, la quincaillerie aura pu rouvrir grâce à la mise sur pied d'une coopérative d'investisseurs.

L'ouverture, ce recours aux nouvelles manières de faire, vient consolider les milieux ruraux en plus de conduire à une plus grande maîtrise du territoire et de ses ressources. L'exemple de la Mauricie, à l'initiative de St-Étienne-des-Grès, nous apprend que rien n'est impossible lorsque l'on se fie à sa population. Cette localité a consi­déré que la région mauricienne, via une régie intermunicipale, avait les moyens et les capacités voulus pour s'occuper de ses déchets domestiques. Pour ce faire, l'entreprise et les terrains de St-Étienne­ des-Grès appartenant à la multinationale Waste Management ont été acquis et c'est maintenant une régie intermunicipale qui traite et gère les déchets.

Bien que ces conditions de réussite viennent garantir une partie du succès d'un exercice de prise en charge, il apparaît que la prospérité, à l'exemple de plusieurs communautés, doivent reposer sur un développement global, territorial et durable.

Une telle perspective de développement ne peut être qu'à l'avantage du monde rural car en plus d'être recherché et choisi, ce milieu recèle une multitude de possibilités pour la société ... tant vaut le village, tant vaut le pays.

Deux des leaders de St-Étienne-des-Grès

L'action de Solidarité rurale du Québec

Depuis ses débuts, Solidarité rurale du Québbec oeuvre à deux niveaux, c'est-à-dire au plan local et régional ainsi qu'au plan provincial. Convaincue que le développement du monde rural ne peut se faire sans une forte prise en charge par le milieu lui-même, Solirarité rurale du Québec cherche à informer; à soutenir et à former des leaders dans ces communautés. Par rapport à l'État, Solidarité rurale du Québec prend position sur des dossiers susceptibles d'avoir un impact dans le monde rural tels que : la politique de développement local et régional; la fermeture des bureaux de poste, la place de l'agriculture dans le monde rural, la forêt habitée, etc.

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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 3 juillet 2023 14:19
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10 mai 2023

Modification

21 juin 2023 10:54

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