Les difficultés d’accès à la terre pour les agriculteurs en vente directe. Un cas d’étude en Oregon

Alors que l’on reconnaît les bénéfices sociaux, économiques et environnementaux des fermes commercialisant leurs produits en vente directe, ces dernières font face à divers défis pour accéder au foncier. C’est ce que montre un article récemment publié par des chercheurs de l’Oregon après avoir étudié le cas de la Willamette Valley

Les agriculteurs pratiquant la vente directe dans le nord de la Willamette Valley(Oregon) sont confrontés à d'importants problèmes d'accès au foncier liés à l'accessibilité, à la disponibilité, à l'adéquation à leurs besoins et à la précarité des baux. Ces problèmes sont d’autant plus criants, que ces fermes ont besoin de trouver des terres proches de leurs consommateurs et que leur rentabilité reste faible.

Aux États-Unis, selon le département de l’agriculture, plus de la moitié des fermes pratiquant la vente directe se trouvent à proximité des aires urbaines et plus de 80% vendent dans un rayon de moins de 100 miles autour de la ferme. Ces fermes sont donc particulièrement exposées à la concurrence d’autres usages et à des prix du foncier élevés. 

L’absence de recherches combinant accès au foncier et ventes en circuits courts 

Diverses recherches ont mis en évidence les difficultés d’accès au foncier pour les agriculteurs de la relève que celle-ci soit ou non apparentée. Mais aucune recherche n’avait encore fait le lien entre ces difficultés et le mode de commercialisation choisi. 

Pour traiter cette question, les auteurs ont choisi le nord de la Willamette Valley, région densément peuplée et qui concentre la plus grande partie des fermes commercialisant en circuits courts. L’Oregon est un état connu pour le dynamisme de son agriculture de proximité. Plus de 5000 fermes commercialisent en circuits courts. Leurs ventes représentent 115 millions de US$, soit environ 2,5% des ventes totales de l’agriculture de cet État (ce qui est assez comparable au Québec). Le contexte pourrait paraître particulièrement favorable, puisque les villes de cette région ont pour la plupart d’entre elles des plans d’urbanisme visant à contenir l’expansion urbaine, protéger les terres agricoles, voire même limiter l’acquisition des terres par des agriculteurs de loisir. L’Oregon soutient par ailleurs l’agriculture en réduisant notamment les taxes foncières. Mais les auteurs font remarquer que ces dispositifs ont aussi pour conséquence de favoriser la grande agriculture commerciale au détriment des petites fermes. 

Dans cette recherche, les auteurs ont cherché à savoir si l’accès au foncier est un obstacle pour les agriculteurs en vente directe. Ils étudient cette question autour de quatre dimensions : l’accessibilité en prix, l’adéquation aux besoins, la disponibilité et la sécurité des baux. Leur travail repose sur l’examen de bases de données concernant les transactions foncières, sur des enquêtes individuelles et des groupes de discussion, tant avec des experts qu’avec des agriculteurs. Tous les participants ont été invités à faire part de leur expérience autour des quatre dimensions relevées et à donner leur avis sur les stratégies à mettre en œuvre pour favoriser un accès plus aisé au foncier pour les agriculteurs en vente directe. 

Les résultats

Les résultats sont présentés autour des quatre dimensions retenues : 

  • l’accessibilité en prix
    L’examen des ventes de terres sur une durée de 5 ans montre un prix élevé, d’autant plus lorsque les ventes concernent de petites parcelles, soit celles dont ont besoin les agriculteurs en vente directe. Selon les zones les prix varient de 25 000$US à 170 000 $US à l’hectare. La solution pour beaucoup est de trouver une terre en location.

  • l’adéquation aux besoins des agriculteurs en vente directe
    Pour les agriculteurs en vente directe, une terre appropriée possède certaines qualités : une taille modeste (moins de 10 acres), une bonne qualité de sol avec un accès à l’irrigation, un emplacement à proximité des zones de consommation et la possibilité d’installer un logement, possibilité sévèrement contrainte par divers règlements visant à protéger l’usage agricole des terres.

  • la disponibilité des terres
    Dans le prolongement, les terres recherchées sont aussi souvent celles qui, du fait de leur petite taille et de leur proximité avec la ville, sont dézonées pour permettre l’expansion urbaine. Et divers intervenants remarquent aussi que les transactions se passent souvent entre voisins, sans possibilité pour un porteur de projet agricole d’être informé qu’une terre est à vendre.

  • la sécurité
    Cette dimension concerne plus particulièrement les agriculteurs qui louent des terres et sont soumis au bon vouloir de leur propriétaire pour le renouvellement des baux. 

Les enseignements

Les auteurs montrent que divers mécanismes économiques et sociaux contraignent les possibilités d’accès au foncier pour des agriculteurs en vente directe. Ces mécanismes sont à la fois liés à l’expansion urbaine et aux mesures de protection du foncier agricole qui privilégient les grandes parcelles. Les auteurs remarquent aussi que les porteurs de projet qui n’ont pas de famille ou d’amis dans le territoire n’ont souvent même pas accès à l’information concernant les parcelles disponibles. Les quatre dimensions étudiées forment un système et les auteurs évoquent diverses pistes de politique publique susceptibles de prendre en compte les quatre dimensions simultanément : prêts préférentiels, fiducies agricoles, incubateurs, restrictions concernant le droit pour les sociétés de détenir des titres fonciers, taxes différentielles afin de pénaliser les propriétaires d’agrément, incitations à louer les terres ou encore aménagements sous condition des règlements de protection des terres agricoles. 

pdf Avril 2018 - mai 2018

Avril 2018 – mai 2018
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Ce bulletin vous est offert avec le soutien du Partenariat canadien pour l’agriculture.

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Bulletin de veille bibliographique sur l’agriculture de proximité
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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 14 novembre 2023 14:40
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Circuit court, Environnement, Relève, Fiche

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Publication

1 avril 2018

Modification

14 novembre 2023 14:52

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