Les circuits courts et l’agriculture biologique comme indicateurs de la transition agro-écologique


Entre 1955 et 2010, le nombre de fermes en France est passé de 2,3 millions à 516 000 et le poids de l’agriculture dans l’emploi total est passé de 31% à 3%. Du fait de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux, le modèle à la source de cette diminution drastique du nombre de fermes, est considéré aujourd’hui comme en crise et devant être transformé en profondeur. Une agriculture plus durable est recherchée, qui valoriserait mieux l’emploi et protégerait les ressources naturelles. C’est ce que de nombreux auteurs appellent la nécessaire transition agro-écologique.

C’est dans ce contexte que les auteurs de cet article s’intéressent aux exploitations dont les pratiques reflèteraient cette transition. A partir du recensement agricole de 2010 en France, trois critères sont retenus : le mode de production (biologique ou non), le mode de commercialisation (en circuits courts ou non) et, pour les fermes en circuits courts, la part du chiffre d’affaires en circuits courts (au moins 50% ou moins de 50%). Quatre des six types constitués regroupent les exploitations dites en transition agro-écologique : deux sont en agriculture biologique (en circuits courts ou non) et les deux autres types réalisent une part importante (au moins 50%) de leurs chiffres d’affaires en circuits courts (en agriculture biologique ou non). Les caractéristiques statistiques et géographiques de ces types sont ensuite analysées.

Résultats

Profil statistique des exploitations en transition

Les exploitations en transition telles que définie ici ne représentent encore que 12,5% du nombre total de fermes en France. En moyenne, elles utilisent 1,9 unités de travail agricole contre 1,5 pour les fermes conventionnelles. Si ces exploitations s’avèrent plus intensives en travail, les conditions sociales de leurs travailleurs restent à étudier.

C’est parmi les fermes biologiques (en circuits courts ou non) qu’on retrouve le plus fort pourcentage d’exploitants de moins 40 ans. Alors qu’en général 23% des chefs d’exploitation sont des femmes, les femmes représentent 25 à 27% des chefs d’exploitations actives en circuits courts. En moyenne, le pourcentage d’exploitants diplômés est plus élevé pour tous les types de fermes en transition (au moins 10%) que pour les fermes conventionnelles (au plus 8%). Le plus haut pourcentage (29%) est atteint sur les fermes biologiques fortement insérées dans les circuits courts. Ce fort pourcentage traduirait l’importance de ce type comme mode d’entrée en agriculture privilégié par des « jeunes diplômés militants en reconversion professionnelle ». En revanche, en termes d’orientation, l’agriculture biologique faiblement insérée en circuits courts se distingue peu des fermes conventionnelles.

Répartition des types d’exploitation dans l’espace

La géographie des types d’agriculture révèle une domination des exploitations conventionnelles dans l’Ouest français et le bassin parisien, une concentration des exploitations biologiques en transition au sud-est et enfin une cohabitation des circuits courts avec les circuits longs dans le sud-ouest. Cette spécialisation géographique particulière semble venir des spécificités pédoclimatiques de ces régions et de leur disponibilité en main-d’oeuvre agricole, compte tenu des orientations techniques (poids du maraichage, polyculture-élevage, etc.) diversement privilégiées par les types d’agriculture identifiés.

Combinaison et coexistence des types d’exploitations dans l’espace

L’analyse géographique révèle que les types d’agriculture ne se combinent pas de façon aléatoire dans l’espace. Sept configurations typiques sont identifiées, ces configurations dessinent une carte de la France dans laquelle, au Nord et à l’Ouest du pays, les exploitations conventionnelles dominent largement et les exploitations en transition sont rares et très minoritaires. Au Sud et plus marginalement sur la façade Est du pays, dans les territoires plus montagneux, les différents types d’exploitations en transition sont plus fortement représentés. Il en est de même autour des grandes villes du pays comme Paris et Lyon.

Ces territoires dans lesquels les fermes en transition apparaissent plus nombreuses ne sont pourtant pas homogènes. L’un des groupes est fortement marqué par la néo-ruralité et affiche systématiquement une surreprésentation de tous les types d’agriculture en transition. Dans un autre, la transition est dominée par les fermes en circuits courts, mais l’agriculture biologique y est relativement plus rare, ce qui pourrait s’expliquer par la proximité avec les villes où l’intérêt pour les circuits courts est important et par la présence forte d’indications géographiques, ce qui réduirait l’attrait de l’agriculture biologique. Le dernier des groupes de territoires emblématiques de la transition concentre une forte proportion d’exploitations qui cumulent circuits courts et agriculture biologique.

Les enseignements

Cette recherche pionnière offre une approche de la transition agro-écologique en s’appuyant sur les données du recensement agricole. Les choix des auteurs pourraient bien entendu être discutés, puisqu’ils auraient aussi pu retenir d’autres techniques (par exemple les techniques culturales simplifiées ou le semis direct) comme éléments de transition. Il est toutefois intéressant de constater que les circuits courts sont considérés comme des éléments importants. Ce travail permet aussi de se représenter leurs liens spatiaux avec l’agriculture biologique et conventionnelle. Les exploitations en transition ont un poids significatif dans certains territoires. Elles sont intensives en emploi et présentent une démographie spécifique (forte présence des jeunes, des femmes et de diplômés). Elles se spécialisent spatialement en fonction des conditions pédoclimatiques et du contexte socio-territorial (néo-ruralité, proximité avec les villes, terroir). Un tel travail pourrait être conduit au Québec à partir des données dont dispose le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

pdf N°7, fiche n°3 - octobre 2019 - novembre 2019

Fiche n°3, Bulletin n°7 – octobre 2019 – novembre 2019
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 30 octobre 2023 18:16
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Circuit court, Biologique, Fiche

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Publication

1 octobre 2019

Modification

31 octobre 2023 17:21

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