Une nouvelle étude sur les facteurs qui favorisent l’entrée et la survie des fermes au Canada a révélé quelques résultats remarquables. A chaque recensement, près de 25% des fermes, généralement de petites fermes à tous les égards (taille, capital, ventes), sont de nouvelles entreprises agricoles, mais seulement la moitié de ces entreprises parviennent à survivre jusqu’au recensement suivant. Ces fermes éphémères s’installent généralement dans des zones denses et sont plus susceptibles d’être gérées par des agricultrices seules. On les retrouve surtout dans les secteurs porcin, ovin, avicole et maraicher. Le Québec est la seule province à réussir le pari d’augmenter leurs chances de rester en activité. De leur côté, les fermes plus établies (qui apparaissent dans au moins deux recensements), voient leurs chances de survie jusqu’au recensement suivant baisser également si elles sont petites, gérées par des agricultrices seules, dans les volailles, les cochons ou le maraichage, installées dans des zones fortement peuplées ou ailleurs qu’au Québec. En revanche, contrairement aux nouvelles fermes qui ont tendance à survivre plus longtemps lorsque l’exploitant ou l’un des exploitants est très jeune (moins de 35 ans), les fermes bien établies voient leurs chances de survie diminuer avec des exploitants trop jeunes.
Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont utilisé le numéro unique assigné à chaque ferme lors des recensements pour suivre leur évolution avec des outils économétriques au fil des recensements de 1991, 1996, 2001, 2006, 2011 et 2016. Pour chaque recensement, les fermes ont été divisées en quatre groupes selon leur ancienneté (la ferme existait au dernier recensement ou pas) et leur survie au recensement suivant (la ferme existait encore ou avait disparu). Outre les statistiques descriptives qui permettent de saisir le détail des mouvements d’entrée et de sortie en agriculture, les auteurs ont pu tester économétriquement ce qui favorisait, au niveau des exploitants, de la ferme ou de la région, la sortie des nouvelles fermes d’une part, et celle des fermes établies sur au moins deux recensements d’autre part. Ces résultats montrent, selon les auteurs, que le vrai enjeu de la relève au Canada, ce ne sont pas les barrières à l’entrée en agriculture, mais le maintien en activité des nouvelles fermes. D’ailleurs, beaucoup de facteurs associés à l’entrée en agriculture (être une agricultrice, être une petite ferme, etc.) se retrouvent aussi parmi les facteurs qui accélèrent la sortie de ce secteur.
Les enseignements
Cet article rapporte des résultats à la fois encourageants (particulièrement pour le Québec) en matière de relève (présence accrue des agricultrices et avènement de jeunes et nouveaux agriculteurs au Canada dans un contexte de population agricole vieillissante) et préoccupants (taux de survie très faible de ces nouvelles entreprises, défis auxquels les agricultrices seules font face). Mais un autre résultat qui interpelle est le fait que ces petites fermes, souvent insérées dans le système alimentaire local, ont tendance à s’installer dans les zones peuplées et à servir une clientèle de niche. Ceci questionne leur véritable contribution dans l’occupation du territoire et la dynamisation des milieux ruraux, vertus qui leur sont souvent associées. Il sera intéressant d’en apprendre plus sur ces nouveaux agriculteurs, leurs trajectoires professionnelles et leurs besoins réels.
pdf N°22, fiche n°1 – juillet – août 2022
Fiche n°1, Bulletin n°22 – juillet – août 2022
Rédaction : Stevens Azima & Patrick MundlerCette veille bibliographique vous est offerte par le groupe de recherche Agriculture, territoires et développement de l’Université Laval avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.