L’économie sociale au Canada : l’expérience québécoise

Introduction

Dans la production de biens et de services comme dans les services collectifs, l’économie sociale occupe, au Québec, un espace suffisamment déterminant pour que certains évoquent l’idée d’un «modèle québécois». Et cela, même si le vocable «économie sociale » n’était guère utilisé jusqu’à tout récemment, à l’exception de quelques universitaires s’inspirant d’écrits européens. De fait, d’autres termes, tels le développement économique communautaire (DÉC), se sont imposés au Québec comme ailleurs au Canada, pour rendre compte des innovations sociales dans le domaine économique (Ninacs, 1993). De ce point de vue, même si les entreprises de l’économie sociale constituent d’abord des initiatives locales ou plus largement de la société civile, elles font habituellement appel aux divers programmes gouvernementaux concernant le développement local, la création d’emploi, l’employabilité ou encore les services à la communauté. Selon un échantillon de groupes communautaires offrant des services collectifs (et donc relevant de l’économie sociale), les programmes de développement de l’emploi (PDE) du ministère de l’Emploi et de l’Immigration du Canada et le Service de soutien aux organismes communautaires du ministère de la Santé et des Services sociaux1 constituaient les deux sources gouvernementales les plus importantes de financement (Bissonnette, 1990). Les divers programmes des deux paliers de gouvernement permettent d’avancer l’hypothèse d’un nouveau compromis entre d’une part les gouvernements et d’autre part les groupes communautaires et collectivités locales : les premiers découvrent de nouvelles façons de soutenir le développement local et l’offre de services à la communauté (Conseil économique du Canada, 1990) alors que les seconds considèrent l’aide gouvernementale comme l’occasion d’une prise en main (empowerment ) (Lévesque, 1984).

Dans cette visée, l’originalité de l’expérience québécoise repose en grande partie sur une dynamique sociale ouverte à la concertation et au partenariat. Deux événements récents ont d’ailleurs ramené le concept de l’économie sociale dans les débats publics aussi bien dans les médias que dans les organisations. Le premier, la Marche des femmes contre la pauvreté, organisée par les groupes de femmes en juin 1995, a déclenché un intérêt nouveau pour l’économie sociale comme élément de solution pour contrer le chômage et l’exclusion dont sont notamment victimes les femmes. Un Comité d’orientation et de concertation sur l’économie sociale, composé de représentantes d’organisations de femmes et de trois ministères du gouvernement du Québec (Emploi et Solidarité, Condition féminine et Sécurité du Revenu; Ressources naturelles et Développement des régions; Santé et Services sociaux), fut créé à la suite de cette marche avec le mandat de conseiller le gouvernement dans ses actions en matière d’économie sociale. En deuxième lieu, au Sommet sur l’économie et l’emploi convoqué par ce même gouvernement, à la fin mars 1996, pour établir un plan d’action face à la crise économique et sociale qui secoue le Québec, les groupes de femmes et le mouvement communautaire ont été invités à un tel événement pour la première fois. Dans le passé, de tels forums étaient réservés au patronat, aux syndicats et à la gent politique. Contre toute attente, les acteurs sociaux ont introduit une lueur d’espoir dans les débats pénibles sur la réduction du chômage et la création d’emploi en prônant l’harmonisation du développement économique et du développement social dans certains secteurs de l’économie. À l’issue du Sommet, un groupe de travail sur l’économie sociale a été mis sur pied afin de préparer des propositions concrètes pour la rencontre prévue pour l’automne 1996. Suite à cette dernière rencontre, il a été décidé de créer un comité de suivi pour assister le Groupe de travail sur l’économie sociale, constituant, d’une certaine façon, un secrétariat provisoire de l’économie sociale.

Ces événements ont contribué à faire de l’économie sociale l’objet d’un large débat dans la société québécoise. À l’intérieur de ce débat, on retrouve des divergences de points de vue sur la définition de l’économie sociale et sur son rôle dans un contexte de compression des dépenses publiques. Ce texte veut faire découvrir cette réalité en ébullition et riche en enseignements en présentant une vue d’ensemble de l’économie sociale au Québec. Dans un premier temps, nous identifierons les principales définitions en usage et, par la suite, nous examinerons la spécificité de l’expérience québécoise d’économie sociale avant d’en approfondir les principaux enjeux.

Document complet

pdf L’économie sociale au Canada : l’expérience québécoise, Williamm A. Ninacs et Benoît Lévesque 1997William A. Ninacs, avec Lévesque, B., Montréal, Les Publications de l’IFDÉC, 23 pages, 1997 - Texte produit pour le colloque de Développement des ressources humaines Canada et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDÉ) qui a eu lieu à Montréal en juin 1997. Il a également été publié comme document autonome comportant une version en français et en anglais (voir la version anglophone ici) ainsi que dans les actes du colloque, Stratégies locales pour l’emploi et l’économie sociale : les actes du colloque, 131-145.

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Intégré par Archie l'archiviste, le 11 mai 2023 15:15
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11 mai 2023

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