note Note générale

Le mouvement communautaire, le développement local et l’action sur l’état de santé de la population

Introduction

Jusqu’à relativement récemment, le mouvement populaire et communautaire québécois a évolué, de façon générale, « sans débat, sans concertation » (Corporation de développement communautaire des Bois-Francs, 1987: 12). Or, bien qu’un bon nombre de groupes communautaires naissent toujours « spontanément » bon an mal an, plusieurs actions de la part du gouvernement du Québec ont, depuis une dizaine d’années, provoqué de vives discussions à l’intérieur des rangs de ce mouvement ainsi que plusieurs réactions concertées de ses différents secteurs. En fait, la réforme dans le domaine de la santé et des services sociaux, la mise sur pied du Secrétariat à l’action communautaire autonome et la mise en opération de la Politique de soutien au développement local et régional ont été, chacune à sa façon, des catalyseurs d’une structuration — et peut-être même d’une institutionnalisation — sans précédant du mouvement populaire et communautaire. Ainsi, même si certaines doléances se font entendre au sein du mouvement sur le peu de partage d’analyse dans certains dossiers1, les productions émanant des regroupements et des organismes communautaires étalent une pensée collective de plus en plus cohésive. Cependant, il existe encore des pommes de discorde et une des plus actuelles est celle de sa participation aux instances et aux projets de développement local.

Depuis une quinzaine d’années, le virage marquant de certains mouvements sociaux québécois en faveur d’une participation au développement économique ainsi que les changements susnommés sur le plan des politiques sociales ont donné lieu à une reconfiguration significative de l’action locale pour augmenter le bien-être des populations. Aujourd’hui, sur chaque territoire habité par une dizaine de milliers de personnes ou plus — et parfois moins! —, on trouve un nombre impressionnant de structures de concertation et de partenariat — CLD, CDC, CDÉC, CDÉ, SADC... — dans lesquelles des acteurs sociaux nouveaux sont invités à collaborer avec d’autres plus traditionnels dans le but d’améliorer la qualité de vie des gens de leur milieu. Depuis quelques temps, et souvent grâce à la participation des acteurs davantage sociaux ou « communautaires », une dynamique originale de développement local prend racine dans plusieurs régions du Québec et élargit la sphère du développement pour inclure quasiment toutes les facettes de l’existence humaine et non pas sa seule composante économique.

Une telle vision du développement local — globale, « holistique » et visant l’ensemble du cadre de vie — intègre les questions relatives à la santé de la population, tant celles de la disponibilité et de la qualité des services de santé et des services sociaux que celle du rôle des établissements et des organismes y oeuvrant sur le plan du développement local. Cette perpective suscite un autre questionnement, cette fois-ci sur le rôle des différents acteurs locaux dans les domaines « appartenant » aux autres acteurs. En d’autres mots, parmi les interrogations en cours, il y a celle du rôle du secteur privé dans le champ de la santé ainsi que celle du rôle du milieu communautaire en tant que « partenaire » dans le développement des collectivités territoriales locales.

Cet essai tentera d’explorer cette dernière question en trois temps : premièrement, en apportant des précisions sur le mouvement populaire et communautaire québécois afin d’identifier les organisations qui en font partie et qui sont interpellées par la participation au développement local; deuxièmement, en scrutant les liens entre le mouvement populaire et communautaire et le type de développement local mis en oeuvre au Québec afin de comprendre les tensions qui habitent ce mouvement en lien avec sa participation au développement local; et troisièmement, en examinant quelques enjeux de cette participation sur le plan spécifique de la santé de la population. Il faut souligner que ce travail n’a aucunement la prétention de traiter l’ensemble des enjeux3 associés à la participation du mouvement populaire et communautaire au développement local dans le contexte actuel bien qu’il serait souhaitable qu’une telle étude puisse être réalisée un jour.