L’alimentation locale est-elle plus écolo ? Un cas d’étude en Colombie-Britannique

Une des motivations à consommer des produits locaux est que ce serait meilleur pour l’environnement. L’argument des plus courtes distances parcourues par les aliments est souvent mobilisé pour appuyer le potentiel des systèmes alimentaires locaux à lutter contre les changements climatiques. Or, en plus de ne pas faire consensus, cet accent mis sur les émissions de gaz à effets de serre (GES) conduit à négliger d’autres aspects importants de la durabilité environnementale des systèmes alimentaires localisés.

Cet article se propose, dans le cas d’une région au sud-ouest de la Colombie-Britannique, d’analyser quatre types d’impacts environnementaux des produits alimentaires (locaux ou importés) qui y sont consommés : la surface agricole requise pour leur production, leur empreinte eau, leur empreinte carbone et leur empreinte écologique. Les données proviennent de diverses sources officielles (comme le recensement agricole ou des références internationales). L’analyse indique que le système alimentaire local repose essentiellement sur des produits importés, mais que la plupart de ces produits affichent une performance environnementale comparable ou même supérieure à leur équivalent local. De plus, les orientations actuelles de la production et de la consommation dans cette région ne valorisent pas les rares produits locaux offrant un avantage environnemental certain sur les produits importés.

Local, oui, mais quel produit ?

L’étude a retenu 53 produits alimentaires consommés dans cette région de Colombie-Britannique. Parmi ces produits, 12 ne font pas l’objet d’une production locale. Globalement, 86% des produits alimentaires consommés (en volume) auraient pu être produits localement, mais seulement 35% environ de l’offre alimentaire est de source locale, ce qui indique une forte dépendance aux importations dans la région.

Les empreintes de la consommation alimentaire locale

Les chercheurs ont pu calculer la pression que la consommation alimentaire annuelle (année de référence 2011) dans cette région exerce sur les ressources naturelles que ce soit localement ou globalement. Ce sont 2 millions d’hectares de terre qui sont mobilisés au total (empreinte foncière), trois millions de mètres cubes (empreinte eau), 2,8 millions de tonnes d’équivalent CO2 émises (empreinte carbone) et 2,5 millions d’hectares globaux (mesure standard utilisée pour calculer l’empreinte écologique) qui sont nécessaires pour soutenir une telle alimentation.

L’analyse de ces mêmes indicateurs par catégorie et origine des produits révèle que ce ne sont pas les produits locaux qui exercent la plus faible pression sur l’environnement. De fait, seulement 6 produits locaux affichent une meilleure performance que leur équivalent importé (du reste du Canada ou de l’international), quel que soit l’indicateur considéré. Il s’agit du bleuet, de la citrouille, de la carotte, du céleri, du haricot vert et du pois. Deux autres catégories de produits exercent une pression moindre sur l’environnement lorsque produit localement, pour trois des quatre indicateurs retenus. Il s’agit du maïs (une plus faible empreinte en général sauf pour l’empreinte carbone) et de la pomme de terre (sauf pour la pression sur les ressources en terres). Tous ces produits sont des produits pour lesquels il y a un avantage écologique à ce qu’il soit produit localement, dans cette région de la Colombie-Britannique, plutôt qu’importés. En revanche, pour la majorité des produits (y compris les produits animaux très présents dans cette région), la moitié, les trois quarts ou même la totalité des indicateurs plaident en faveur de leur importation et suggèrent que le produit importé exerce une moindre pression sur l’environnement.

Enfin, l’examen des traditions en matière de production et des habitudes de consommation indique qu’elles ne sont pas construites de façon à minimiser la pression sur l’environnement. Ainsi, les produits les moins importés, comme les produits animaux, dans cette région de la Colombie-Britannique sont, du strict point de vue des indicateurs environnementaux retenus, ceux pour lesquels l’importation présenterait justement un avantage environnemental. De fait, pour 84% des volumes de produits locaux, il y a peu ou pas d’avantage à ce qu’ils soient produits localement. Et si l’on regarde le système alimentaire du côté de la consommation, le résultat est le même : les produits les plus consommés sont ceux pour lesquels il n’y a peu ou pas d’avantage environnemental à ce qu’ils soient produits localement. Ces résultats révèlent donc un grand déséquilibre entre la réalité du système alimentaire local et ce qui pourrait sembler souhaitable d’un point de vue environnemental.

Les enseignements

Les résultats de cette recherche ne sont pas très encourageants. Dans le contexte étudié, l’alimentation est essentiellement importée, les importations ont un meilleur impact écologique que les produits locaux et la population ne consomme que peu les quelques produits locaux qui offriraient des bénéfices environnementaux. L’exercice n’a jamais été fait pour le Québec, mais on ne peut qu’être frappé par certaines similitudes : même taux d’auto-approvisionnement, prévalence de l’élevage, secteur agricole très énergivore (ce qui vient aussi de notre climat); etc. Cela appelle à notre sens deux réflexions. La première est qu’il reste intéressant d’étudier de façon rigoureuse l’impact environnemental de la production locale. Postuler simplement que local = meilleur impact environnemental expose à être démenti par des faits que de plus en plus de recherches mettent en évidence. Il est donc nécessaire de mieux documenter ces questions afin d’être en mesure de de réfléchir aux voies d’amélioration. La seconde est que les avantages potentiels d’une relocalisation de l’alimentation ne peuvent se mesurer seulement à l’aune des bénéfices environnementaux. L’analyse d’un système alimentaire doit rester systémique et examiner conjointement ses impacts sociaux et économiques. Si l’épidémie de COVID-19 a réactivé les débats autour de l’intérêt d’une alimentation locale, ce n’est pas pour ses impacts environnementaux, mais à cause de la crainte de ruptures d’approvisionnement. Lorsque des consommateurs se tournent vers des produits locaux, leur achat a des conséquences sur la circulation de la richesse, sur l’emploi, ou encore sur la reconnaissance du travail fait par les producteurs locaux.

pdf N°10, fiche n°2 - avril 2020 - mai 2020

Fiche n°2, Bulletin n°10 – avril 2020 – mai 2020
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 25 octobre 2023 08:50
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Environnement, Fiche

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Publication

1 avril 2020

Modification

10 novembre 2023 11:35

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