Pour une alimentation animale locale ?

En Europe, les sources locales fournissent seulement 30% des besoins en alimentation animale riche en protéines et 87% de la demande excédentaire sont comblés par du soja et du tourteau de soja importés.

L’intérêt et la disposition des consommateurs à payer plus cher pour les produits locaux sont déjà bien documentés dans divers travaux. L’existence d’une préférence pour des produits animaux nourris par des sources locales est en revanche moins étudiée. Cet article met en évidence une telle préférence chez des consommateurs allemands. L’intérêt d’une stratégie commerciale axée sur les aliments locaux pour animaux est souligné.

Méthode

Un échantillon aléatoire de 1602 consommateurs en Allemagne a participé à une enquête en ligne. Les auteurs de cette recherche ont étudié la disposition à payer pour deux produits - un paquet de six oeufs et une escalope de porc- en fonction de l’origine des aliments utilisés. Un label (Regionalfenstrer), lorsque présent, indiquait que le produit est local ainsi que, éventuellement, le poids des aliments locaux dans l’alimentation animale (75%, 90% ou 100%). Pour chaque produit, les consommateurs devaient choisir d’acheter (ou pas) un des items proposés. Chaque item combinait divers attributs : caractère local ou non de l’alimentation animale, poids des sources locales dans l’alimentation animale, cinq niveaux de prix, certification biologique ou non. Un modèle économétrique est utilisé pour prédire les probabilités d’achat en fonction de ces attributs et des profils types de consommateurs ont pu être identifiés.

Résultats

Dans un premier temps, les résultats ont été analysés sans prendre en compte les profils des consommateurs. Cette analyse révèle que les consommateurs basent leur décision d’acheter un produit à la fois sur son caractère local, la part des aliments locaux dans l’alimentation des animaux, le prix, et, dans le cas des oeufs, sur la présence d’une certification biologique. A ce stade, la principale découverte de l’étude est le fait que pour les produits animaux étudiés (oeufs et viande de porc), les chances que le consommateur choisisse ces produits augmentent à mesure que les aliments pour animaux utilisés sont de provenance locale (les seuils affichés sur les produits étant de 75%, 90% ou 100%).

L’analyse selon les profils de consommateur est aussi riche en enseignements. Le plus intéressant est de constater que les groupes définis pour un produit donné ne sont que peu constitués des mêmes individus (au mieux, 50%) que les groupes définis pour l’autre produit. En d’autres termes, on pourrait être sensible à la provenance de l’alimentation pour les poules et moins pour les porcs. Cela dit, des comportements similaires peuvent tout de même être observés pour un groupe donné peu importe le produit.

Un premier profil de consommateur regroupe des consommateurs sensibles au prix et, de façon modérée, au caractère local des aliments pour animaux. Quel que soit le produit considéré, ce sont surtout des hommes, ils achètent fréquemment dans les épiceries à bas prix et sont peu intéressés par les produits biologiques. Ils font attention à certains niveaux de prix et, au-delà d’un certain seuil, l’augmentation de la part locale dans les aliments pour animaux n’améliore pas significativement les chances que ces consommateurs achètent le produit présenté.

Le deuxième profil de consommateurs correspond aux consommateurs très sensibles au caractère local des aliments utilisés pour nourrir les animaux. Ils affichent le niveau moyen d’instruction le moins avancé. C’est le seul groupe où les chances de choisir les produits présentés augmentent systématiquement avec le poids des aliments d’origine locale, quel que soit le produit considéré. En termes de valeurs, ces consommateurs affichent une préoccupation marquée pour le caractère local ou biologique des produits. Mais cela ne se traduit pas dans leurs décisions effectives d’achat. En revanche, le caractère local des aliments pour animaux reste déterminant dans leur choix final.

Un troisième profil de consommateurs ressort : il s’agit de consommateurs les plus sensibles au caractère biologique du produit. Ce groupe est surtout composé de femmes, il est peu sensible au prix et, dans le cas des oeufs, le choix des prix plus élevés peut même être préféré. La mention de l’origine locale des aliments tend à être valorisée seulement quand le pourcentage est très élevé.

Enfin en ce qui concerne les oeufs, un quatrième profil de consommateurs se démarque par sa sensibilité à la fois pour le prix et pour le caractère biologique des produits (l’origine locale des aliments pour animaux est valorisée seulement de façon exceptionnelle). Et, dans le cas de la viande de porc, on retrouve plutôt un quatrième groupe sensible à la fois au prix de la viande et à l’origine locale des aliments utilisés.

Les enseignements

Cet article montre que dans l’ensemble, les consommateurs accordent de la valeur à la provenance locale des aliments utilisés pour nourrir les animaux. Les auteurs estiment que la création de labels supplémentaires communiquant cette information serait utile. La mise en avant d’une alimentation animale localisée peut rencontrer plus de succès (autant pour les producteurs biologiques que pour les producteurs des systèmes alimentaires locaux), si elle cible de façon différenciée les segments de marché les plus concernés. Le fait que les mêmes consommateurs ne se retrouvent pas de façon plus systématique dans les mêmes groupes selon le produit considéré montre toutefois que les représentations des consommateurs peuvent varier selon les produits.

pdf N°7, fiche n°2 - octobre 2019 - novembre 2019

Fiche n°2, Bulletin n°7 – octobre 2019 – novembre 2019
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Ce bulletin vous est offert avec le soutien du Partenariat canadien pour l’agriculture.