La ferme collective : modèle à la fois novateur et traditionnel

La ferme collective se présente comme une forme d’organisation alternative au modèle classique qu’est la ferme familiale. La littérature qui porte sur ce modèle d’exploitation est encore limitée, ou renvoie à l’analyse des formes de production collectives que l’on trouvait, par exemple, dans les pays de l’Europe de l’Est. Cet article propose une revue de la littérature francophone, afin de faire un état des connaissances actuelles sur ce sujet. Sur la base des 44 documents analysés, l’étude présente un portrait des caractéristiques de la ferme collective, ainsi que les similitudes et différences de ce modèle par rapport à d’autres formes d’exploitation. Elle conclut en questionnant le degré de nouveauté de ce modèle en émergence.

Les thèmes qui ressortent de cette analyse sont au nombre de neuf : la composition des collectifs, leurs objectifs, la nature de leurs activités, leur niveau de mutualisation, leur type d’organisation du travail, les statuts juridiques adoptés, leurs modes de gouvernance, les réseaux professionnels qui gravitent auprès d’eux et leur ancrage local. Il en ressort entre autres qu’une ferme collective est plus souvent mise en place par au moins trois membres qui n’ont pas de lien familial entre eux, ne sont pas issus du milieu agricole et qui ont pour objectif principal de résister au système agroalimentaire dominant. Les fermes collectives affichent un degré de mutualisation varié, une grande diversification dans les activités de la ferme et hors ferme, une combinaison d’activités agricoles et non agricoles, une forte participation sociale, un mode d’organisation du travail partagé et horizontal permettant un allègement de la charge mentale ainsi que des statuts juridiques variés reflétant leur diversité.

Modèle émergent nouveau ou pas ? Le concept d’émergence utilisé par les auteurs met de l’avant un processus dynamique dans lequel le modèle collectif évolue, ce qui permet d’aborder ses transformations et de souligner ses interrelations avec les autres modèles d’exploitation. L’article reprend une typologie de deux chercheurs (Hervieu et Purseigle) qui classifie en triade les types de fermes : la firme, le modèle familial et la ferme de subsistance. Les auteurs font ressortir qu’une porosité existe entre la ferme collective et ces trois modèles de fermes. Ils s’attardent finalement à souligner que le modèle de ferme collective n’est pas si nouveau qu’il n’y paraît, qu’il tire ses origines à la fois de la ferme ancienne et paysanne où le travail collaboratif et le partage de ressources étaient mis de l’avant, de la ferme communautaire créée dans le mouvement de retour à la terre des années 1960-1970, et de formes juridiques spécifiquement créées à la fin du 20^ème siècle pour favoriser la mutualisation des facteurs de production entre agriculteurs non apparentés. Mais, le modèle collectif s’est modernisé pour faire face au contexte actuel et aux enjeux qui en découlent, notamment afin favoriser la pérennité des entreprises agricoles.

Les enseignements

La mutualisation de la main-d’oeuvre et des ressources matérielles est souvent vue comme étant une solution innovante pour faire face à des enjeux actuels importants (p.ex. valeur croissante des actifs et pénurie de main-d’oeuvre), alors qu’en fait, ce modèle collectif est davantage un retour aux sources qu’une nouveauté à bien des égards. La ferme collective est un modèle qui incite à s’éloigner du travail en silo, de l’individualisme et de la propriété privée. Au Québec, se développent depuis quelques années des fermes coopératives, répondant aux caractéristiques relevées par les auteurs de cette recherche. À un moment où le prix des actifs, notamment celui des terres, est l’une des barrières à l’entrée les plus significatives en agriculture, le modèle collectif est une stratégie intéressante à explorer lors du développement d’un projet d’établissement.

pdf N°30, fiche n°5 – décembre 2023 – janvier 2024

Rédaction : Marilou Ethier, Pascal Genest-Richard, Patrick Mundler

Ce bulletin vous est offert avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ)