Durabilité des circuits courts alimentaires


Les circuits courts sont parfois présentés comme une réponse aux limites et aux externalités du système alimentaire conventionnel. Cet article étudie leur durabilité sociale, économique et environnementale du point de vue des principaux acteurs de ces chaines alimentaires. Un questionnaire a été soumis à 596 consommateurs. Les auteurs ont aussi conduit 139 entrevues qualitatives, auprès des consommateurs (65), des producteurs (56) et des intermédiaires (18). Au total, 12 initiatives en circuits courts ont été incluses, certaines qualifiées de traditionnelles (comme les marchés fermiers) et d’autres plus récentes avec un concept innovant (comme les paniers de poisson ou l’achat groupé). L’enquête couvre deux pays d’Europe de l’est comme la Hongrie et la Pologne (où les formes traditionnelles de circuits courts sont très présentes), en plus de l’Italie, de la France, du Royaume-Uni et de la Norvège où des circuits courts plus innovants se déploient également (comme en Amérique du Nord).

Résultats

Sur le plan social

Les circuits étudiés apparaissent fortement connectés à leur territoire et alimentent le sentiment d’appartenance à une communauté. Les consommateurs indiquent principalement que c’est par l’influence de leurs proches qu’ils ont découvert ces initiatives. Les circuits plus traditionnels sont même perçus comme indissociables du territoire et semblent jouer un rôle structurant dans la création d’une identité locale. La confiance affichée dans l’offre est élevée, cependant les initiatives plus traditionnelles, semblent moins performantes sur ce plan. Cette confiance peut aussi être influencée par la perception générale des consommateurs vis-à-vis des pouvoirs publics dans leur pays. Enfin, les consommateurs enquêtés affichent clairement leur volonté de supporter la production locale et l’économie locale.

Les producteurs, de leur côté, mettent en avant l’importance du contact avec les consommateurs. Les conversations avec le consommateur peuvent même pousser le producteur à changer ses pratiques agricoles ou à essayer des innovations. Le même effet d’apprentissage est rapporté du côté des consommateurs, ceux-ci pouvant être amenés par exemple à modifier leurs habitudes culinaires et à essayer des produits auparavant non familiers. Ces jeux d’influence peuvent favoriser l’émergence d’initiatives collectives du côté des producteurs pour mieux répondre aux préférences des consommateurs. La qualité des relations entre les producteurs d’une part et entre les producteurs et les intermédiaires d’autre part est aussi plus souvent soulignée que les phénomènes de compétition au sein de ces circuits.

Sur le plan économique

Les producteurs en circuits courts reconnaissent qu’ils bénéficient de meilleurs prix qu’en circuits longs, de même que des chiffres d’affaires plus élevés et des débouchés assurés. Si une autonomie est ressentie (notamment dans la fixation des prix), elle reste variable d’un producteur à un autre et elle peut être limitée par la compétition avec les détaillants et par la sensibilité des consommateurs au prix selon le pays. Les producteurs perçoivent les prix comme justes compte tenu des coûts. Mais, du côté des consommateurs, la perception générale d’un prix plus élevé en circuits courts semble prévaloir et peut constituer une barrière, surtout au niveau des initiatives de niche et des produits de la pêche. Les ententes sur les prix restent fragiles et des désaccords durables peuvent s’installer et démotiver certains acheteurs. Des économies d’échelle peuvent avantager les plus gros producteurs qui peuvent alors réduire leur prix ou augmenter les quantités. La reconnaissance d’un bon rapport qualité-prix reste au final très variable parmi les consommateurs.

Sur le plan environnemental

L’analyse des modes de transports privilégiés par les consommateurs offre un portrait peu favorable en matière de contribution des initiatives étudiées à la réduction des émissions de gaz carbonique (CO2). Dans presque tous les cas, la voiture prédomine (chez 63 à 98% des consommateurs selon le canal) par rapport à d’autres modes de déplacement potentiellement plus écologiques (marche, vélo, transports en commun). Seuls deux marchés situés en milieu urbain font exception.

Les consommateurs perçoivent les circuits courts, surtout les formes non traditionnelles, comme plus écologiques. Ils présentent aussi une volonté marquée d’encourager une production respectueuse de l’environnement et du bien-être animal. La reconnexion et la familiarité avec le consommateur sont perçues par les producteurs, même ceux ayant une certification, comme un moyen efficace de communiquer les attributs éthiques et immatériels de leur produit. La réduction du gaspillage et de l’utilisation de plastique est une préoccupation affichée par les acteurs ou développée au fil de leur participation aux circuits courts.

Les enseignements

Cette recherche apporte une contribution intéressante à la question de la durabilité des circuits courts alimentaires. Plusieurs résultats résonnent avec la littérature existante (notamment la contribution au bien-être de la communauté, à l’économie locale, à l’autonomie des producteurs et le portrait nuancé présenté pour la durabilité environnementale). Un apport intéressant concerne la satisfaction des producteurs enquêtés par rapport au prix reçu, qui est perçu comme suffisant compte tenu des coûts et de l’effort investi. Ce résultat est toutefois discuté dans d’autres recherches et cette question semble loin d’être tranchée, même si l’analyse menée ici présente l’avantage d’être transnationale et diversifiée. Un autre apport intéressant concerne le sentiment partagé par les producteurs qu’ils disposent grâce aux circuits courts d’un débouché assuré. Cela souligne qu’ils font confiance à la fidélité de leurs clients puisque contrairement aux circuits longs, les circuits courts ne bénéficient d’aucune organisation garantissant la stabilité de leurs débouchés.

pdf N°7, fiche n°4 - octobre 2019 - novembre 2019

Fiche n°4, Bulletin n°7 – octobre 2019 – novembre 2019
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

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Bulletin de veille bibliographique sur l’agriculture de proximité
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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 30 octobre 2023 18:28
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Circuit court, Gaspillage alimentaire, Environnement, Fiche

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Publication

1 octobre 2019

Modification

31 octobre 2023 17:27

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