Agroécologique ? Jusqu'à quel point ?

L’agroécologie apparaît de plus en plus comme une réponse possible aux effets négatifs du système alimentaire conventionnel sur les plans environnemental, social et économique. Initialement définie autour de principes écologiques visant à rapprocher autant que possible l’agriculture d’une activité en équilibre avec le fonctionnement naturel des écosystèmes, l’agroécologie s’est rapidement étendue, d’une part à l’ensemble du système alimentaire, d’autre part à un projet autant agronomique que social et politique. Ainsi, des principes socioéconomiques précisant ce projet ont été développés par divers mouvements ayant fait de l’agroécologie leur cheval de bataille (à l’instar de l’organisation internationale La Via Campesina). Pour ces mouvements, l’agroécologie doit aussi s’attaquer aux problèmes de justice sociale, aux mauvaises conditions de travail dans le système alimentaire conventionnel, ou encore aux questions d’équité, pour offrir une réponse qui soit viable, universelle et transversale. C’est dans cet esprit que les auteurs de cet article exposent un ensemble de treize principes (six principes écologiques et sept principes socioéconomiques) caractérisant, selon leur analyse, ce que devrait être l’agroécologie.

Agroécologie : comment identifier et évaluer sa mise en œuvre

L’originalité de cet article réside dans sa proposition d’une démarche pour déterminer dans quelle mesure un système est agroécologique et selon quelle ampleur. Une telle approche répond au constat d’une grande diversité dans la mise en œuvre des différents principes agroécologiques, d’autant plus qu’il est relativement rare de trouver un système qui applique en même temps tous les principes. Certains principes peuvent même parfois entrer en conflit, amenant ainsi le producteur à faire des compromis. Par exemple, une pratique agronomique sera pertinente dans un contexte et pas dans un autre. Le souci d’assurer de bonnes conditions de travail peut conduire un agriculteur à favoriser les salaires au détriment des investissements dans la santé des sols, etc.

Deux méthodes, en réalité complémentaires, sont ainsi présentées par les auteurs pour identifier et évaluer un système agroécologique. La première, que les auteurs appellent justification des pratiques, donne à considérer les motivations du producteur en adoptant certaines pratiques : essayait-il de suivre l’idéal agroécologique, d’appliquer certains de ses principes ? Ici, l’agroécologie est vue comme un processus, un horizon dont on peut s’approcher sans jamais vraiment l’atteindre complètement, car il y a toujours la possibilité de faire mieux pour mettre en œuvre chacun des treize principes. De ce point de vue, c’est l’orientation de la ferme qui est qualifiée selon le nombre de principes de chaque catégorie embrassée par le producteur. Cette méthode accorde aussi une attention soutenue à la compatibilité interne des principes agroécologiques à appliquer. Lorsqu’un compromis doit être effectué, lorsqu’un dilemme doit être levé par le producteur (par exemple, appliquer des pesticides chimiques, contrairement à ce que prône l’agroécologie), on se demandera si le producteur a fait ce choix pour répondre à un autre principe agroécologique (par exemple, maintenir une productivité qui permette d’offrir de meilleures conditions de travail) ou pour d’autres raisons qui n’ont rien à voir avec l’agroécologie.

La deuxième méthode, dite d’évaluation participative, reprend l’approche traditionnelle d’évaluation axée sur les indicateurs de performance, mais en la démocratisant. Ici, ce sont les acteurs concernés (généralement sous forme de collectifs associant des producteurs et des consommateurs) qui identifient les principes agroécologiques auxquels ils sont attachés et qui sélectionnent les indicateurs associés. Les participants discutent également de la façon de mesurer ces indicateurs et plus tard des performances enregistrées. Ainsi, l’évaluation se fait de façon participative et n’exclut pas de faire initialement appel à la première méthode afin d’identifier les principes agroécologiques adoptés et arbitrés par les producteurs. En effet, le fait d’adhérer aux principes agroécologiques ne garantit pas leur respect, et le fait d’adopter efficacement certaines pratiques agroécologiques ne signifie pas non plus qu’on s’inscrit dans une vision agroécologique.

Les enseignements

L’approche mise en avant ici rompt avec la conception binaire de la certification qui caractérise les labels contrôlés par des organismes tiers comme l’est par exemple le label Agriculture biologique : soit une ferme est biologique, soit elle ne l’est pas. Les auteurs s’inscrivent ainsi dans un mouvement qui prend de l’importance à l’échelle mondiale et qui pousse pour que soient reconnus à la fois le caractère processuel d’une démarche d’amélioration continue et des mécanismes de certification participative qui laissent le pouvoir aux mains des acteurs. Même si la flexibilité ainsi offerte reflète mieux la réalité, elle représente aussi un défi pour l’institutionnalisation de l’agroécologie, notamment parce que les certifications tendent à reposer sur le respect de cahiers de charges plutôt que sur l’adhésion à une vision autorisant des compromis. Cela rappelle toutefois combien les principes agroécologiques croisent les systèmes de valeurs et les bénéfices généralement associés aux circuits courts de proximité, mais toujours en tension avec le système alimentaire conventionnel. Ce n’est pas un hasard si les circuits de proximité sont vus comme des circuits propices à l’atteinte de plusieurs des principes socio-économiques de l’agroécologie comme le renforcement du tissu social ou la contribution au développement de systèmes alimentaires locaux. 

pdf N°17, fiche n°1 - juin 2021 - juillet 2021

Fiche n°1, Bulletin n°17 – juin 2021 – juillet 2021
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

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Bulletin de veille bibliographique sur l’agriculture de proximité
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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 13 octobre 2023 11:01
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Biologique, Fiche

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Publication

1 juin 2021

Modification

10 novembre 2023 08:31

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