L’accès difficile à la terre pour les fermes de proximité

En France, près du tiers des agriculteurs et agricultrices a atteint l’âge de la retraite. Les établissements en agriculture de néo-agriculteurs, issus de milieux autres qu’agricoles, se chiffreraient à environ 20 000 par année. Souvent, ces personnes portent des valeurs qui correspondent davantage aux attentes sociétales envers l’agriculture. Parmi ces attentes, notons la volonté de privilégier une agriculture de proximité, mais aussi celle de se réapproprier « une agriculture paysanne et paysagère ». Dans le contexte de la région d’Île-de-France (Paris et ses environs), l’agriculture de proximité désigne une agriculture fortement influencée par la proximité de la ville et qui suscite une implication directe des résidents et des élus dans la création d’initiatives de production et de commercialisation spécifiques.

Les auteurs explorent les difficultés d’accès au foncier agricole pour les néo-agriculteurs se réclamant d’une agriculture de proximité. Ils montrent notamment comment divers dispositifs visant à soutenir le développement de l’agriculture ont surtout profité aux agriculteurs en place, majoritairement céréaliers et commercialisant en circuits longs. La demande pour une agriculture de proximité davantage tournée vers la satisfaction des besoins locaux a mis ces dispositifs sont pression et conduit à l’émergence de nouveaux acteurs. Parmi les différentes initiatives dédiées à favoriser le transfert de fermes et la création de nouvelles fermes, l’organisation Abiosol vise spécifiquement la catégorie des entreprises biologiques. L’organisme donne des formations aux néo-agriculteurs et organise du réseautage et du maillage pour faciliter la reprise d’entreprises, mais se heurte à diverses embûches liées, notamment, à la normalisation des parcours d’établissement contrôlés par la profession. Dans ce contexte, les auteurs identifient divers enjeux liés à l’établissement en Île-de-France comme le manque de terres disponibles et les barrières à l’entrée pour les nouveaux arrivants. Les propriétaires fonciers sont souvent des entreprises incorporées et 84 % de la superficie agricole utile est cultivée par des agriculteurs locataires, ce qui entraine une marchandisation des baux et rend l’accès à la terre plus difficile. La tendance à la consolidation des fermes détenues par un petit nombre d’entreprises est forte et la règlementation en place pour la limiter est inefficace. Bien qu’appuyés par des « relais politiques nombreux », le pouvoir d’action de l’organisme Abiosol et du réseau d’acteurs qu’il mobilise, demeure limité.

Les enseignements

Cet article rappelle qu’au-delà des dispositifs soutenant tel ou tel modèle agricole, de sévères luttes d’influence et de pouvoir sont en oeuvre de manière sous-jacente. Au Québec, 36 % des établissements sont aujourd’hui des créations de nouvelles entreprises et le lien avec l’agriculture de proximité est établi. Comme en France, les néo-agriculteurs font face à diverses difficultés d’accès à la terre, bien que la proportion de terres en location soit significativement moindre et que le contexte réglementaire autour du foncier diffère, notamment au niveau de l’implication des acteurs publics dans la régulation des transactions agricoles. Si divers dispositifs et organisations oeuvrent en faveur du développement de l’agriculture de proximité, la compétition pour l’accès à la terre et aux autres moyens de production comme les quotas, reste vive et le contrôle exercé par la profession bien présent.

pdf N°29, fiche n°5 – octobre – novembre 2023

Rédaction : Marilou Ethier, Pascal Genest-Richard, Patrick Mundler

Ce bulletin vous est offert avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ).