L’effet multiplicateur pour évaluer les retombées économiques locales d’une mise en marché par circuit court

La mise en marché en circuit court (CC) se définit généralement par une proximité organisationnelle déterminée par tout au plus un intermédiaire impliqué dans la commercialisation d’un produit. Dans le but d’évaluer ses effets économiques induits, les auteurs de cette recherche mobilisent l’effet multiplicateur. Ce concept repose sur l’hypothèse que l’effet économique d’un investissement est plus grand que le montant initialement investi, puisqu’il y a des effets économiques indirects qui sont générés par cet investissement. Adapté au contexte d’une économie locale, l’effet multiplicateur LM3 est utilisé pour déterminer quelle proportion de l’économie locale reste dans la communauté et quelle proportion est dépensée à l’extérieur de celle-ci. La formule, basée sur trois cycles de dépenses, permet d’obtenir une valeur entre 1 et 3, où 3 indique que toute la dépense a été effectuée localement. Ce calcul est ici utilisé pour comparer les retombées économiques locales de la mise en marché en CC avec celles d’une mise en marché en circuit long (CL).

Ce sont 122 fermes européennes, de cinq pays différents, qui ont été étudiées par les auteurs. De ce nombre, 82 fermes (67,2%) vendaient au moins 50% de leurs produits en CC. Les fermes commercialisant en CC dans un rayon déterminé de 7,5 km ont obtenu un coefficient LM3 de 1,676 et les fermes empruntant la commercialisation en CL ont obtenu un LM3 de 1,684, indiquant que les deux types de mise en marché ont un impact sensiblement équivalent sur l’économie locale. Ainsi, chaque euro investi mène à un effet économique d’environ 1,68 euro dans l’économie locale, peu importe le type de mise en marché. Lorsqu’un rayon de commercialisation de 15 km était considéré, la mise en marché en CC menait à un LM3 de 2,06 tandis que la commercialisation en CL obtenait un LM3 de 2,20, indiquant que ce dernier type de mise en marché était un peu plus profitable pour l’économie locale. L’une des observations qui expliquent ce résultat est que les fermes commercialisant en CL semblent davantage s’approvisionner localement que les fermes pratiquant le CC. Cela peut, entre autres, être dû à une disponibilité locale moindre pour les intrants utilisés par les fermes qui commercialisent en CC. Par exemple, une ferme de proximité offrant des variétés de légumes ancestrales peut ne pas trouver localement les semences dont elle a besoin.

Les enseignements

Ce résultat peut surprendre, tant la conviction des effets locaux bénéfiques des circuits courts est solidement ancrée. Il est donc d’autant plus intéressant. Quelques recherches avaient déjà tenté d’établir l’effet multiplicateur des circuits courts en utilisant LM3, notamment une étude de la New Economics Foundation. L’étude de deux fermes en circuits courts avait conduit à un effet multiplicateur de 2 et 2,15, soit un résultat assez proche de celui trouvé ici. Là où cette recherche innove, c’est qu’elle a comparé les fermes selon leur mode de commercialisation. Que retenir alors ? Outre le fait que LM3 n’est évidemment pas la seule mesure des bénéfices locaux des circuits courts, cette recherche nous apprend surtout que ce sont les effets multiplicateurs de l’agriculture et des activités agricoles dans ses territoires qui sont positifs. Un argument à garder en tête lorsqu’il faut défendre la place de l’agriculture dans les économies locales.

pdf N°30, fiche n°1 – décembre 2023 – janvier 2024

Rédaction : Marilou Ethier, Pascal Genest-Richard, Patrick Mundler

Ce bulletin vous est offert avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ)