La consommation de poissons uniquement par un système de paniers à l’île d’Yeu : principales motivations

Depuis 2010, un système de paniers de poissons est mis en place sur l’île d’Yeu en France, à l’instar des initiatives d’agriculture soutenue par la communauté (ASC). Le système fonctionne de la même manière : les consommateurs s’abonnent pour une saison et reçoivent une fois par mois un panier de poissons d’environ 3 kilos livré dans différents points de chute.

La littérature consacrée aux raisons qui incitent des consommateurs à s’abonner aux paniers en ASC est riche. Elle présente des consommateurs aux préférences hybrides qui recourent à plusieurs circuits selon leurs envies et leurs besoins. Cependant, par rapport aux produits agricoles, la pêche et l’offre de poissons présentent certaines spécificités, notamment une offre peu prévisible et une distance physique et relationnelle entre les pêcheurs et les consommateurs. Ces spécificités modifient‐elles les motivations des consommateurs à adhérer à un système de pêcherie soutenue par la communauté (PSC) ? Le présent article entend précisément expliquer les raisons qui incitent les consommateurs à utiliser un système de paniers de poissons de façon exclusive, dans le cas du circuit mis en place par les pêcheurs de l’île d’Yeu.

Préférences et profil des consommateurs utilisant les systèmes de paniers

La littérature sur l’ASC décrit des consommateurs majoritairement féminins, instruits, à revenu intermédiaire ou élevé. Ces consommateurs sont motivés par divers attributs liés à la confiance comme le respect de l’environnement, la qualité des produits, un prix juste et le soutien à la production locale. Ils sont également intéressés par les relations directes qui s’établissent avec les producteurs. Dans cet article, les auteurs ont cherché à déterminer dans quelle mesure ces observations permettaient d’expliquer le choix de certains consommateurs de poissons de s’approvisionner uniquement par un système de paniers.

Aux facteurs identifiés dans la littérature, des variables directement liées au système de paniers de poissons ont été incluses. L’analyse des données recueillies par un formulaire web (incluant des échelles de Likert sur les motivations des participants) auprès de 556 consommateurs membres s’est faite en trois temps : une première analyse statistique descriptive, une analyse factorielle pour identifier les grands facteurs expliquant le choix d’intégrer le circuit étudié et enfin, les résultats proprement dits où les auteurs ont identifié les variables influençant significativementla probabilité de choisir de s’approvisionner en poissons exclusivement dans un système de paniers.

Les résultats

L’analyse descriptive de l’échantillon et des données a permis de dégager les constats suivants : les répondants ont 48 ans en moyenne et sont pour près des trois quarts des femmes. Leur niveau d’instruction est élevé (55% ont un second cycle universitaire), ils vivent en couple, en ville, ont des enfants et disposent d’un revenu plutôt élevé. Concernant leurs motivations, les items renvoyant aux préférences pour des attributs fondés sur la confiance (environnement, traçabilité, support local, etc.) obtiennent les scores les plus élevés alors que les items renvoyant aux questions relationnelles (faire de nouvelles rencontres) ou économiques (payer moins) figurent parmi ceux qui obtiennent les plus faibles scores.

Les auteurs ont ensuite cherché à identifier les facteurs influençant le choix de s’approvisionner exclusivement en poissons par le système de panier. L’âge, le niveau de revenu et les attributs fondés sur la confiance ont un effet significatif négatif ; le fait de vivre en milieu rural, les préoccupations liées à la quantité et à la qualité des poissons livrés chaque mois, la durée de l’adhésion en tant que membre et les facteurs relationnels ont un effet significatif positif.

Pour expliquer ces résultats, il faut revenir aux préférences hybrides des consommateurs qui s’approvisionnent dans plusieurs canaux de distribution. Au moyen de certifications et de labels, les circuits conventionnels permettent de plus en plus de répondre à certaines attentes relatives par exemple à des attributs comme la préservation de l’environnement, la traçabilité ou la provenance locale. Des consommateurs de poisson surtout motivés par ces attributs sont donc susceptibles de se tourner vers divers circuits de commercialisation. En revanche, les facteurs relationnels (qui pourtant obtenaient un score moindre) se révèlent être des variables susceptibles de pousser les consommateurs à s’approvisionner en poissons exclusivement par le système de pêcherie soutenue par la communauté. Cela pousse les auteurs à recommander que le marketing mette l’accent sur cet aspect relationnel pour augmenter la demande et la loyauté des consommateurs. 

Les enseignements

Les raisons initiales qui expliquent le succès des systèmes d’ASC (et dans ce cas‐ci de PSC) sont bien comprises par les détaillants alimentaires qui sont de plus en plus capables d’offrir des produits ayant les qualités attendues en matière de proximité géographique ou de pratiques écoresponsables. En revanche, le système de PSC étudié ici bénéficie d’une caractéristique exclusive : celle qui lui permet d’offrir aux consommateurs une relation personnelle et directe avec les pêcheurs, relation qui se manifeste par des rencontres sur les points de chute, des échanges de connaissance et des visites de bateaux. Dans quelle mesure ces résultats s’expliquent‐ils par un contexte particulier lié aux produits et au monde de la mer ? Les auteurs ne tranchent pas, mais leurs résultats donnent quoi qu’il en soit matière à réflexion quant aux raisons susceptibles de favoriser la pérennité des systèmes ASC.

pdf N°2, fiche n°3 - décembre 2018 ‐ janvier 2019

Fiche n°3, Bulletin n°2 – décembre 2018 – janvier 2019
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

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