Qui sont ces clients qui vont régulièrement dans les marchés fermiers?

Le nombre de marchés fermiers en Amérique du Nord a presque quintuplé entre 2000 et 2011 et cette hausse se constate également dans de nombreux pays industrialisés. Mais depuis quelques années, cette croissance semble s’essouffler, au point que certains observateurs s’inquiètent d’une possible saturation. Le profil des clients de marchés fermiers est depuis longtemps décrit autour d’un portrait type : des femmes d'âge moyen avec une éducation et un revenu supérieur à la moyenne, animées par un ensemble de valeurs environnementales, économiques et sociales qui les amènent à privilégier les produits locaux. Dans ce contexte, cet article cherche à identifier le profil spécifique des clients réguliers, c’est-à-dire ceux s’approvisionnant toutes les semaines ou toutes les deux semaines dans des marchés fermiers. L’enquête s’est déroulée lors de 11 journées de marché dans trois villes de Colombie-Britannique : Vancouver, Langley et Abbotsford. 

Dans un premier temps, les résultats confirment ceux de recherches antérieures : 78% des clients sont des femmes. Elles dépensent 42 dollars en moyenne. L’écrasante majorité est blanche (88%) et 61 % ont terminé au moins des études de 1er cycle. Concernant les prix, 55 % des participants s'attendaient à des prix plus élevés qu'en épicerie, mais les deux tiers n'étaient pas prêts à payer plus de 20 % de prime pour les produits du marché. En ce qui concerne le volume des dépenses, les principaux facteurs déterminants sont la préférence pour les produits biologiques, le niveau d'éducation des clients et la croyance dans les bienfaits écologiques des produits locaux proposés sur le marché fermier.

Pour ce qui est des clients réguliers (66,2% de l’échantillon), les résultats montrent que leur profil ne les distingue pas vraiment des « non-réguliers » : mêmes revenus, même niveau d’éducation, même régime alimentaire. Ils sont un peu plus âgés (56 ans contre 53), la taille de leur ménage est un peu plus basse (2,3 personnes, contre 2,8), ce qui signifie qu’il y a plus de couples sans enfants et ils habitent plus près du marché (5,8 km contre 8,4). En revanche, c’est du côté des valeurs affichées que des différences plus sensibles apparaissent. Ces clients réguliers accordent plus d’importance à la variété, à la disponibilité de produits bios, à la provenance locale et aux relations directes avec les agriculteurs. Ils sont en revanche moins attentifs à la propreté du marché. Finalement, ils dépensent un peu plus que les autres, sont plus enclins à acheter une gamme plus large de produits, et s'attendent davantage à payer des prix plus élevés qu'en épicerie.

Les enseignements 

Ces résultats sont intéressants à plus d’un titre. Ils mettent en évidence l’importance de la proximité, à la fois géographique (les clients réguliers habitent plus près) et relationnelle (ils sont sensibles à l’interconnaissance avec les agriculteurs). Ils confirment aussi que le prix n'est pas la principale préoccupation des clients des marchés fermiers. Il y aurait même moyen de surprendre ces clients réguliers (qui s’attendent à payer plus cher) avec des prix plus proches de ceux de l’épicerie. Les résultats montrent également qu’une communication différenciée serait sans doute pertinente selon que les clients sont réguliers ou non. Vanter le caractère local des produits, revient à prêcher des convaincus pour ce qui est des clients réguliers. En revanche, l’importance des relations directes avec les agriculteurs devrait amener ces derniers à réfléchir à la meilleure façon de fidéliser ces clients. Comme le titre de l’article le suggère : être capable d’appeler un client par son nom, ou mieux par son prénom, peut faire toute la différence.

pdf N°26, fiche n°1 – avril – mai 2023

Fiche n°1, Bulletin n°26 – avril – mai 2023
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Cette veille bibliographique vous est offerte par le groupe de recherche Agriculture, territoires et développement de l’Université Laval avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.