Les nouveaux agriculteurs à l’ère d’internet : quel effet sur l’identité professionnelle ?

Le manque de relève en agriculture est un phénomène mondial lié à des défis économiques, géographiques, et à des normes sociales et culturelles faisant en sorte que le métier est mal valorisé. Aux perceptions subjectives liées à la solitude, l’isolement, le travail physique difficile et l’incertitude économique et climatique s’ajoute le fait tangible que le taux de suicide est plus élevé en agriculture. Dans cette recherche, les auteurs tentent de comprendre comment le « nouveau monde du travail, » soit le phénomène de l’intégration des outils de communication numérique dans les milieux de travail, a un effet sur l’identité professionnelle et l’engagement au travail chez 76 jeunes agriculteurs sur les îles de Chypre et de Crête. Le tiers des répondants étaient des femmes, 80 % étaient issus du milieu agricole, la moitié géraient leur ferme depuis moins de 5 ans, et 70 % avaient moins de deux employés. Les participants ont été divisés en trois groupes selon l’intensité de l’utilisation (forte, moyenne ou faible) qu’ils et elles font des nouveaux médias.

Alors que les résultats sont sensiblement équivalents pour les deux groupes utilisant les nouveaux médias moyennement ou faiblement, le groupe ayant la plus forte utilisation des nouveaux médias est plus engagé dans son travail et développe une identité professionnelle plus cohérente que les autres groupes, en particulier en ce qui a trait au sentiment d’« être heureux en travaillant » et d’« être enthousiaste vis-à-vis mon travail ». Composé d’individus ayant un plus haut niveau d’éducation, ayant davantage d’expérience en agriculture, et gérant plus d’employés, ce groupe trouvait aussi plus véridique les affirmations selon lesquelles « le prestige des agriculteurs augmente au sein de la société » et qu’« il s’agit d’une bonne époque pour être agriculteur. » En somme, le recours aux nouveaux médias numériques semblait améliorer l’opinion que les agriculteurs ont de leur métier de par l’autonomie et l’accès aux réseaux de connaissances que leur procurent ces médias.

De façon transversale, les chercheurs remarquent que les répondants mentionnent les « deux côtés de la médaille » de leur métier et ce, selon différentes dimensions. Les agriculteurs se comparaient souvent à leurs pairs, mais aussi aux professionnels d’autres domaines ainsi qu’aux institutions pour mettre l’emphase sur le caractère unique de leur situation. Globalement, l’utilisation des nouveaux médias est associée à des facilités de gestion et à une plus forte interconnexion avec l’extérieur, ce qui limite la perception négative que se font les agriculteurs de leur métier.

Les enseignements

Plusieurs auront remarqué la présence foisonnante des fermes québécoises sur les réseaux sociaux. Divers canaux sur YouTube, des formations en ligne, des pages Instagram, des forums d’échange, et autres permettent aux agriculteurs de se construire une appartenance permettant de rompre une part de l’isolement professionnel lié à la réalité exigeante de la ferme. Cette étude confirme l’effet positif de ce genre de réseautage via les nouveaux médias, mais aussi sur la perspective informée et nuancée qu’ont les nouveaux agriculteurs de leur occupation.

pdf N°31, fiche n°4 – février - mars 2024

Rédaction : Marilou Ethier, Pascal Genest-Richard, Patrick Mundler

Ce bulletin vous est offert avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ).

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Bulletin de veille bibliographique sur l’agriculture de proximité
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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 5 avril 2024 09:06
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Santé mentale, Relève, Fiche

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Publication

1 février 2024

Modification

5 avril 2024 09:48

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