Qui mange des produits de saison, et pourquoi ?

Pendant la majeure partie de son histoire, l’espèce humaine a dû se contenter de ce qu’elle trouvait dans son milieu pour se nourrir. L’avènement de l’agriculture a partiellement libéré les humains de cette contrainte. La mondialisation des échanges, les moyens de stockage et de refroidissement, ont définitivement fait éclater les frontières entre les saisons et les cuisines et il est désormais possible de manger de tout n’importe quand. Parallèlement, les promoteurs des systèmes alimentaires alternatifs, particulièrement les producteurs en circuits courts, ont fait de l’alimentation de saison un de leurs chevaux de bataille. Les auteurs de cet article ont conduit des entrevues auprès de 73 consommateurs français ayant des pratiques d’achat alimentaire diversifiées. Le but était de comprendre les différentes perceptions sociales de l’alimentation de saison. Les méthodes mixtes et les techniques de triangulation mobilisées ont permis de dégager différents profils et des motivations variées derrière la décision de manger de saison (ou pas).

Sans surprise, les résultats permettent de délimiter deux groupes : les consommateurs qui mangent de saison et ceux pour qui ce n’est pas une préoccupation. Les amateurs de produits de saison sont en général plus riches, plus instruits, et ceux qui voient le respect des saisons comme un impératif absolu, affichent, en plus, de fortes valeurs environnementales. Les auteurs montrent que manger en respectant les saisons peut être principalement motivé, soit par le soutien à l’économie locale, soit par des raisons budgétaires. Dans le 1er cas, on retrouve des habitants du milieu rural ou des personnes qui côtoient les fermes, dans le second, on retrouve en particulier des consommateurs plus âgés qui privilégient les produits de saison, à la fois pour des raisons de santé et parce qu’ils recherchent un bon rapport qualité/prix. En conclusion, les auteurs rappellent que les tendances observées sur les préférences des consommateurs les plus âgés, les plus riches et les plus instruits en matière de consommation de saison, sont en ligne avec ce que montre la littérature. Mais ils soulignent aussi que l’on voit émerger un profil de jeunes consommateurs (étudiants) soucieux de ce qu’ils mangent et des impacts environnementaux de leurs choix alimentaires. Il est intéressant de remarquer qu’une meilleure connaissance et une plus grande proximité avec l’agriculture, s’accompagnent d’un intérêt pour les produits de saison. Les auteurs relèvent avec amusement le fait que pendant la 2ème Guerre mondiale, manger hors saison était un signe de richesse alors qu’aujourd’hui c’est plutôt l’inverse.

Les enseignements 

Cette étude révèle que les profils sociodémographiques des mangeurs de saison, sont globalement les mêmes que ceux qui privilégient l’agriculture de proximité. D’ailleurs, la fréquentation des circuits courts crée, selon les auteurs, des occasions de s’informer sur l’intérêt de manger des produits de saison. De leur côté, les consommateurs qui ne prêtent pas attention à la saisonnalité de ce qu’ils mangent, s’approvisionnent en supermarché, font plus souvent partie des classes défavorisées et privilégient le bas prix. Certains revendiquent aussi le droit à la diversité et lient les produits de saison à une forme de monotonie. Au Québec, au nom de l’autonomie alimentaire, on observe pourtant une dissociation croissante entre produit de saison et production locale, notamment du fait du développement de la serriculture, ce qui soulève des débats intéressants concernant l’utilisation rationnelle de notre énergie.

pdf N°22, fiche n°4 – juillet – août 2022

Fiche n°4, Bulletin n°22 – juillet – août 2022
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Cette veille bibliographique vous est offerte par le groupe de recherche Agriculture, territoires et développement de l’Université Laval avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.