Résilience des circuits courts du Québec en temps de pandémie

La sécurité des approvisionnements alimentaires est un enjeu majeur pour les États. Après des années d’abondance et de relative insouciance, la pandémie de COVD-19 a suscité diverses inquiétudes concernant la possible fragilité de nos systèmes alimentaires. Au cours des premiers mois de pandémie, les agriculteurs vendant en circuits courts ont dû s’adapter à une réalité changeante. Cet article présente les résultats d’une enquête par questionnaire auprès de 133 agriculteurs québécois en circuits courts, complétée par 15 entretiens. Selon les auteurs, la COVID-19 a posé quatre grands défis aux agriculteurs québécois.

1. Trouver la main-d’œuvre agricole. Le problème existait déjà, mais a été exacerbé par la crise sanitaire : frontières fermées et mobilité réduite des travailleurs agricoles migrants, effet désincitatif de la Prestation canadienne d’urgence ; la pandémie a aggravé la pénurie de main-d’œuvre et au plus fort de la crise, des récoltes ont été perdues. Principales réponses apportées en circuits courts : bénévolat, appel aux proches et aux ressources locales, priorité aux canaux en circuits courts les moins intensifs en travail (comme l’autocueillette), etc.

2. Chocs sur l’offre et la demande alimentaires. La période s’est caractérisée par des marchés instables, des pics et des chutes de demande, une offre excédentaire, … Une poignée d’agriculteurs rapporte une baisse de la demande durant la première année de pandémie, on pense évidemment à ceux qui livraient les restaurants. Mais beaucoup d’agriculteurs ont connu au contraire des pics extraordinaires de demande pour leurs produits, ce qui a parfois représenté un énorme défi logistique et organisationnel. Principales réponses : augmenter la capacité de production et modifier la stratégie de commercialisation.

3. Chocs sur certains circuits de commercialisation. Du fait des mesures sanitaires, des lieux de commercialisation ont été fermés ou ont dû se transformer. Il a fallu adapter les canaux existants mais aussi innover en offrant de nouveaux canaux (notamment, la vente en ligne) plus adaptés au contexte de confinement. Les auteurs soulignent ici une certaine fracture numérique pour ceux qui étaient pénalisés par un manque de compétences ou par des infrastructures réseaux insuffisantes.

4. Autres problèmes opérationnels. Les agriculteurs ont été confrontés à de multiples difficultés : trouver des semences, revoir leur plan de développement ou différer des investissements, s’adapter et financer les mesures de protection contre la COVID. Les agriculteurs déplorent en particulier l’absence d’une prise en compte du caractère spécifique de leur activité.

Les enseignements

Comme d’autres recherches conduites ailleurs, cette étude québécoise confirme la résilience des fermes en circuits courts. Les changements rapides auxquels elles ont dû faire face montre toute l’importance de la flexibilité comme élément déterminant de cette résilience. Le dicton « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier » apparaît encore d’actualité. Cette étude restera toutefois à compléter. La taille moyenne des fermes ayant répondu à l’enquête : 112 hectares, laisse penser que cette enquête a davantage touché des fermes plutôt spécialisées et pour lesquelles la vente en circuit court ne constitue qu’un mode de commercialisation parmi d’autres. Par ailleurs, la question de la pérennité de la hausse de la demande constatée reste entière. Enfin, le faible taux de réponse à l’enquête et la petite taille de l’échantillon invite à la prudence.

pdf N°20, fiche n°3 – mars – avril 2022

Fiche n°3, Bulletin n°20 – mars – avril 2022
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Cette veille bibliographique vous est offerte par le groupe de recherche Agriculture, territoires et développement de l’Université Laval avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.