Marchés fermiers et coupons alimentaires en Colombie-Britannique

L’implication des marchés fermiers dans les programmes gouvernementaux de subventions alimentaires, courante aux ÉtatsUnis, est plutôt rare au Canada. La Colombie-Britannique (C.B.) fait exception. Le Programme de coupons nutritionnels des marchés fermiers de la C.-B. (PCNMF) fournit des coupons, échangeables entre juin et octobre dans les marchés fermiers, contre des produits alimentaires frais, à des ménages à faible revenu, en vue tout à la fois de lutter contre l’insécurité alimentaire et de soutenir l’achalandage dans les marchés. Les auteurs de cet article ont conduit une enquête qualitative auprès d’une vingtaine de bénéficiaires en 2019 pour étudier leurs perceptions des bénéfices et des limites de ce programme.

Un premier bénéfice reconnu par les participants est le sentiment d’autonomie et de dignité que procure l’accès régulier à l’équivalent de 21 dollars par semaine (sous forme de coupons alimentaires de 3 dollars). L’achat de produits frais augmente, le participant acquiert plus de pouvoir sur son régime alimentaire mais aussi sur son budget, des réallocations deviennent possibles. La qualité et la fraicheur des produits sont souvent appréciées et considérées comme supérieures à celles des produits en épicerie ou des banques alimentaires. Certains marchés fermiers offrent des formations en nutrition qui permettent de développer de nouvelles compétences. Enfin, si le recours à l’aide alimentaire est parfois perçu comme stigmatisante, les participants estiment ne pas le vivre de cette façon.

Un autre aspect apprécié du programme, c’est la qualité des interactions sociales, notamment les interactions avec les producteurs et les vendeurs, jugée sans commune mesure avec l’expérience en épicerie. Les visites deviennent des occasions d’échange et de socialisation. À terme, le sentiment d’appartenance à la communauté est renforcé. Des bénéfices en matière de santé mentale sont également rapportés (réduction de l’anxiété, lutte contre la dépression). L’opportunité de soutenir des producteurs locaux tout en bénéficiant des coupons est également valorisée pour l’idée de réciprocité qu’elle introduit dans la relation. Au niveau des limites signalées : la variété des produits offerts limitée dans les zones plus reculées et l’offre d’activités complémentaires inégale selon les marchés. Enfin, plus de flexibilité dans le montant par coupon, un meilleur ajustement du montant selon les besoins et une extension de sa durée dans l’année sont d’autres améliorations souhaitées.

Les enseignements

En 2017-2018, l’insécurité alimentaire a touché 12% des ménages canadiens. Avec l’inflation actuelle, cette situation devient plus préoccupante. Aux États-Unis, les coupons alimentaires à destination des populations démunies sont utilisés depuis longtemps, tant comme élément de politique agricole, que pour lutter contre l’insécurité alimentaire. Les marchés fermiers, fleuron des systèmes alimentaires locaux dans ce pays, participent activement à ces programmes. En plus des bénéfices bien connus en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle, cet article souligne, dans le contexte canadien, les avantages en matière de vie sociale et de santé mentale pour les bénéficiaires. Le double objectif de ces programmes : soutenir la production locale tout en luttant contre l’insécurité alimentaire, élargit leur portée.

pdf N°21, fiche n°2 – mai – juin 2022

Fiche n°2, Bulletin n°21 – mai – juin 2022
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Cette veille bibliographique vous est offerte par le groupe de recherche Agriculture, territoires et développement de l’Université Laval avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.