Les marchés fermiers : toujours le fleuron des systèmes alimentaires locaux aux États-Unis

Les articles sur les marchés fermiers sont nombreux. Dans une étude précédente, nous en avions relevé plus de 230. Si le rôle de ciment social des marchés fermiers dans la communauté et de stimulant pour l’économie locale a toujours été reconnu, leur développement rapide appelle à une synthèse plus récente. C’est l’objectif auquel se sont attachés les auteurs de cet article.

pdf Synthèse des études menées sur les marchés fermiers : analyse et enjeux En 2008, on constatait une augmentation de 150% du nombre de marchés fermiers aux États-Unis entre 1994 et 2006. Cette croissance s’est poursuivie, mais à un rythme un peu moins rapide (+100%) entre 2006 et 2019. Il y avait fin 2019, 8761 marchés fermiers dans le pays (contre 1755 en 1994). Ces marchés fermiers représentent désormais 23% des ventes directes alimentaires aux États-Unis, ce qui témoigne de leur poids dans le renouveau des systèmes alimentaires locaux. Le modèle d’organisation privilégié pour les gérer est le statut d’organisation à but non lucratif (65% des marchés fermiers). Ils reçoivent en général le soutien des autorités fédérales et locales, participent aux programmes d’aide alimentaire et se reconnaissent une mission sociale. Mais que sait-on de leurs impacts ? Les auteurs ont séparé les impacts selon qu’ils concernent la communauté ou les producteurs impliqués dans un marché fermier.

Ciment local, acteur de la justice sociale et incubateur

Les impacts les plus remarquables des marchés fermiers apparaissent au niveau de la communauté. D’abord, ils brisent le mythe des produits locaux plus chers : diverses études ont montré que les prix affichés étaient comparables, voire inférieurs, à ceux des fruits et légumes en épicerie, notamment en saison. Les auteurs notent également leur collaboration avec des programmes gouvernementaux d’aide alimentaire, qui donnent par exemple aux consommateurs défavorisés des bons alimentaires échangeables contre des produits locaux dans les marchés fermiers. En revanche, certains défis restent à relever en matière de justice alimentaire et sociale, de diversification de la clientèle des marchés fermiers (qui reste typiquement blanche et aisée) et de gentrification (par exemple, en ayant une influence sur le marché immobilier, rendant certains quartiers moins accessibles aux ménages défavorisés).

Les marchés fermiers apparaissent aussi comme des espaces d’apprentissage à la fois pour les consommateurs et pour les producteurs. Ils encouragent l’éveil à une consommation et une production plus responsables et favorisent l’adoption d’habitudes de consommation plus saines, que ce soit par l’accroissement de la consommation de fruits et légumes ou par l’attention portée aux produits de saison. En créant de nouveaux réseaux de relations entre les acteurs locaux et en misant sur les relations directes entre producteurs et consommateurs, les marchés fermiers augmentent le capital social et encouragent la confiance dans la communauté et dans le système alimentaire local. Une fois implantés dans un quartier ou une localité, ils contribuent à son attractivité, par exemple en attirant des visiteurs supplémentaires, créant ainsi des retombées indirectes sur l’économie locale. De fait, l’un des impacts les mieux reconnus dans la littérature est leur effet multiplicateur sur l’économie locale. Même en prenant en compte ce que les marchés fermiers font perdre à l’économie locale (par exemple, réallocation de dollars alimentaires initialement dépensés en épiceries), on aboutit en général à un effet multiplicateur supérieur à 1. En clair, cela signifie que les marchés fermiers contribuent à stimuler l’économie locale.

Au niveau des fermes et des producteurs, les marchés fermiers apportent divers bénéfices économiques. Alors que la part des agriculteurs dans l’assiette des dépenses alimentaires du consommateur ne cesse de décliner, les marchés fermiers permettent aux agriculteurs (comme les autres formes de circuits courts) de conserver une plus grande part de la valeur créée, notamment grâce à la réduction du nombre d’intermédiaires. Mais cela veut aussi dire plus de travail pour les agriculteurs concernés qui doivent désormais ajouter à leur rôle de producteur des fonctions de marketing et de distribution. Les marchés fermiers sont aussi accueillants pour les nouveaux producteurs et les petites fermes et les accompagnent dans la mise en place d’une offre de qualité et diversifiée. La synthèse de 2008 indiquait que les marchés fermiers représentaient la seule source de revenus agricoles pour plus de 20% des fermes participantes, mais cette donnée issue d’une enquête datant de 2006 n’a pas été actualisée.

En matière de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement, le doute persiste. Indépendamment du cas des producteurs biologiques, souvent présents sur les marchés fermiers, aucune recherche ne semble avoir validé l’hypothèse d’une influence des échanges avec les consommateurs sur les pratiques des agriculteurs. De fait, le lien entre participation aux marchés fermiers et adoption de pratiques agroécologiques reste flou et mériterait d’être davantage étudié. Pour ce qui est des distances parcourues par les aliments, les marchés fermiers contribuent évidemment à réduire les kilomètres alimentaires et à encourager la consommation de produits locaux. Mais là encore, l’impact réel sur la consommation énergétique ou les émissions de gaz à effet de serres reste incertain (voir fiche no 3 dans ce même bulletin). Des études plus poussées sont en cours et des données plus éclairantes pourraient prochainement faire surface sur cette question.

Les enseignements

Les marchés fermiers continuent de stimuler la recherche. Ils restent l’un des canaux emblématiques des circuits courts. Leur impact positif sur l’économie locale et dans le tissu social est de plus en plus attesté, autant d’arguments justifiant que les pouvoirs publics nationaux et locaux les soutiennent. Cela dit, aux États-Unis, ils semblent avoir atteint leur maturité, divers signaux montrent que les fermetures sont plus fréquentes et certains marchés voient leurs recettes diminuer du fait d’une concurrence plus vive. Du côté de l’offre, la spécialisation des fermes va à l’encontre du modèle de ferme diversifiée pouvant approvisionner un stand en une grande variété de produits, ce qui pourrait à terme obliger les marchés fermiers à ouvrir davantage leurs allées à des agriculteurs-revendeurs.

pdf N°16, fiche n°4 - avril 2021 - mai 2021

Fiche n°4, Bulletin n°16 – avril 2021 – mai 2021
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 17 octobre 2023 15:42
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Environnement, Biologique, Relève, Fiche

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Publication

1 avril 2021

Modification

10 novembre 2023 10:01

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