Le cas inspirant de la politique alimentaire urbaine de Milan

En 2020, Montréal recevait une distinction dans le cadre du Pacte de Milan pour sa lutte contre l’insécurité alimentaire. Le Pacte de politique alimentaire urbaine de Milan, présenté lors d’une Exposition universelle en octobre 2015, compte aujourd’hui plus de 240 villes signataires dans le monde, dont 16 en Amérique du Nord. Sous le leadership de Milan, les villes reconnaissent qu’elles ont un rôle clé à jouer dans la transition vers des systèmes alimentaires (SAs) locaux « équitables, résilients et durables ». Le rôle des villes dans cette transition est accentué par le fait que 50% de la population mondiale vit en ville (et ce sera 70% en 2050). L’article présenté ici montre comment Milan et ses presque 1,4 millions d’habitants ont réussi à institutionnaliser la question alimentaire, à rallier d’autres villes à cette cause et à engager des initiatives originales.

La politique alimentaire de Milan a déployé une panoplie d’outils et de projets depuis 2017. Elle a d’abord investi dans un diagnostic, qui a permis de cibler cinq priorités (SA durable, alimentation saine, lutte contre le gaspillage, éducation et recherche) et d’installer des instances de gouvernance : création d’un conseil alimentaire, d’une table de concertation, et d’un système de suivi). Son principal cheval de bataille est la lutte contre le gaspillage alimentaire. En s’appuyant sur les réseaux locaux des quartiers, des hubs ont été créés pour procéder, depuis 2018, à la récupération des aliments afin de les redistribuer aux personnes en ayant besoin. Ces hubs ont joué un rôle important au début de la COVID-19 et ont permis d’aider plus de 6300 ménages. La ville a même été récompensée par un prix international pour ses actions dans ce domaine. La règlementation de la ville a aussi été adaptée pour encourager, par une baisse de la taxe sur les déchets, le don des excédents alimentaires par les entreprises commerciales et industrielles. A côté de cela, un incubateur d’innovations a été créé pour encourager l’innovation sociale et technologique, une école d’hiver visant à éduquer et sensibiliser les administrations locales d’autres villes sur les actions menées par la ville de Milan a été organisée en 2020, des contenus gratuits, informatifs, sont aussi accessibles pour le grand public. La Ville s’occupe enfin elle-même de la restauration scolaire avec son entreprise Milano Ristorazione, qui distribue 85 000 repas par jour et s’engage depuis 2015 à promouvoir une alimentation avec moins de viande rouge, moins de gaspillage et des émissions réduites de CO2.

Les enseignements 

Au Québec, à côté de la ville de Montréal, quelques autres villes comme Gatineau, Sherbrooke, Salaberry-de-Valleyfield, Rimouski, et Granby, ont intégré la question alimentaire dans leur agenda politique. Le principal enseignement que les auteurs tirent de leur analyse concerne l’importance d’une institutionnalisation de cette politique, entendre par là qu’il est important qu’elle soit installée au cœur de l’administration municipale avec du personnel dédié. Même si ce processus a pu rendre la participation citoyenne moins aisée, faute d’une culture de la participation dans les administrations locales, cette institutionnalisation a renforcé l’engagement des parties prenantes : bailleurs, entreprises, citoyens. L’exemple de Milan reste inspirant dans un domaine qui reste encore à défricher mais qui va toucher de plus en plus de villes.

pdf N°22, fiche n°3 – juillet – août 2022

Fiche n°3, Bulletin n°22 – juillet – août 2022
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Cette veille bibliographique vous est offerte par le groupe de recherche Agriculture, territoires et développement de l’Université Laval avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.