Depuis quelques années, les food hubs sont apparus comme des innovations accompagnant le développement de l’agriculture de proximité en apportant aux agriculteurs les infrastructures et les capacités nécessaires pour gérer et distribuer de plus gros volumes, tout en tenant compte de leurs valeurs sociales et environnementales. On peut distinguer les food hubs grossistes qui distribuent à des entreprises ou des institutions et les food hubs détaillants qui distribuent directement à des consommateurs. La capacité des food hubs détaillants à satisfaire la demande des consommateurs pour des produits alimentaires locaux, variés et produits avec des pratiques agricoles durables est cruciale pour leur succès économique. Encore faut-il connaitre les tendances de la demande et les préférences de ces consommateurs.
Dans l’Ohio, le Local Roots Markets fondé en 2010, est un food hub détaillant fonctionnant sur un modèle coopératif associant des producteurs et des consommateurs. Il a suivi et enregistré tous les achats effectués par les consommateurs au fil des années. Des chercheurs ont analysé ces données totalisant plus de 1 million d’achats réalisés entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020. Plusieurs tendances intéressantes ressortent. Sans surprise, les ventes ont augmenté sur la période. En 2019, elles ont franchi le cap des 500 000 USD, souvent considéré comme le seuil minimal de viabilité financière. L’étude montre également une forte régularité dans les variations saisonnières. Chaque année, en mars (+22%) et en octobre (+14%), la coopérative enregistre un sursaut des ventes par rapport au mois précédent. Chaque année également, des chutes fortes des ventes sont observées en janvier (- 25%) et septembre (- 14%). Pour les autres mois, les ventes varient à la hausse ou à la baisse selon les années, mais de façon beaucoup moins ample. Les fruits et légumes, une catégorie de produits assez emblématique des systèmes alimentaires locaux, représentent bien les items les plus achetés sur la période 2011-2020 (29% du nombre total d’items), mais en valeur ce sont les repas à emporter (d’ailleurs en forte croissance) fabriqués dans la cuisine commerciale du marché et les produits non périssables qui dominent les ventes (surtout en hiver). Les données montrent également que les membres de la coopérative dépensent en moyenne 33 % de plus à chaque visite que les non-membres. Enfin, si ce sont quelques grandes fermes qui génèrent le plus de ventes, le fait pour le marché d’offrir aussi les produits d’un grand nombre de petites fermes offre une diversité profitable à l’ensemble des vendeurs.
Les enseignements
Cet article éclaire encore une fois tout l’intérêt de disposer de données fiables permettant de suivre les ventes sur les marchés en circuits courts. Cela nécessite de l’organisation (enregistrer rigoureusement les données), de la transparence (chaque vendeur doit accepter de fournir ses données de vente) et du temps (exploiter ces informations). Dans le cas du Local Roots Markets, les données analysées permettent d’anticiper les mois de fort achalandage en planifiant un accroissement de l’offre et de développer divers efforts marketing afin de tempérer l’effet négatif sur les ventes des mois où la demande est plus faible. Cela a permis également de confirmer la pertinence de disposer, à l’intérieur du marché, d’un café-restaurant servant des plats à emporter. Enfin, cette étude rappelle qu’une diversité de vendeurs est un élément de succès et qu’un travail actif de fidélisation des membres permet d’augmenter les ventes moyennes.
pdf N°22, fiche n°5 – juillet – août 2022
Fiche n°5, Bulletin n°22 – juillet – août 2022
Rédaction : Stevens Azima & Patrick MundlerCette veille bibliographique vous est offerte par le groupe de recherche Agriculture, territoires et développement de l’Université Laval avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.