La traction animale : pratique abandonnée ou nouvelle tendance agroécologique ?

La traction animale est parfois considérée comme une pratique porteuse d’un idéal agroécologique par le plus faible recours aux énergies fossiles et la moindre compaction des sols qu’elle cause comparativement au tracteur. D’autres avantages de la traction animale incluent la mobilité en forêt ou dans des zones de fortes pentes, ce qui est pratique pour des vignobles, notamment. En France, 1 600 chevaux de trait ont été vendus en 2016, contre 1100 en 2010, ce qui témoigne d’un engouement considérant le quasi-abandon du recours à ces animaux au milieu du siècle dernier. Cette recherche visait à faire le point sur ce sujet en s’appuyant sur une analyse de la littérature scientifique internationale (16 articles) et de la presse grand-public en France (1261 articles).

Les articles scientifiques traitent principalement de trois enjeux : l’énergie, l’économie et la santé des sols. D’un point de vue énergétique, les animaux sont beaucoup moins efficaces que les tracteurs, mais l’énergie utilisée par ces derniers est non renouvelable. Une conversion systématique de toute la traction mécanique en traction strictement animale engendrerait des besoins en fourrage énormes. Par exemple, une recherche a montré qu’il faudrait 6 à 7% de la superficie agricole américaine pour nourrir les chevaux, mais certains auteurs ont calculé néanmoins que ce fourrage nécessiterait moins de terres arables qu’un recours systématique aux biocarburants. D’un point de vue économique, les études se sont majoritairement penchées sur des communautés Amish, qui utilisent régulièrement la traction animale. Les coûts de productions sont bas et la productivité élevée, mais il y a beaucoup de travail non rémunéré dans ces communautés, ce qui rend toute comparaison difficile. Enfin, les deux recherches qui traitent de la santé des sols obtiennent des résultats largement favorables à la traction animale en termes d’érosion, de stockage de carbone et de compactage.

Les articles de presse analysés témoignent d’abord de la sympathie que suscite la traction animale dans le public. Pratique paysanne et alternative, cette dernière gagnerait de l’ampleur dans les pays industrialisés, principalement parmi les jeunes néo-ruraux, mais doit encore se défaire de son image passéiste. Les journalistes font état de multiples avantages de la traction animale : améliorations de la santé des sols, réduction de la pollution et de l’utilisation d’énergie, profitabilité, plaisir, précision dans le travail, investissements moindres, silence, autonomie et fertilisation organique.

Les enseignements

Les agriculteurs ayant recours à la traction animale constituent une minorité éveillée aux enjeux environnementaux et sociaux liés à l’industrialisation de l’agriculture. Dans le cadre de la transition agroécologique, la traction animale symbolise bien l’aspiration à une « low tech » qui désigne l’utilisation de technologies simples, sobres et accessibles, par opposition à toutes les technologies « high tech » (numérisation, robotisation, génomique, etc.) promues par l’agrofourniture et auxquelles aspirent de nombreux agriculteurs sensibles à la modernité dont elles sont l’illustration. Hormis le réseautage informel et la prévalence de la traction animale au sein de communautés religieuses, la revue Small Farmers Journal, agit comme média faisant la promotion de la traction animale aux États-Unis et au Canada.

pdf N°30, fiche n°3 – décembre 2023 – janvier 2024

Rédaction : Marilou Ethier, Pascal Genest-Richard, Patrick Mundler

Ce bulletin vous est offert avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ)