Quelle est l’influence des modes de production agricoles sur l’émergence de nouvelles maladies ?

Les zoonoses sont des maladies infectieuses qui passent des animaux aux humains. Les élevages sont des lieux propices à l’émergence de zoonoses du fait de la grande densité d’animaux d’une même espèce et la proximité avec les humains. C’est, entre autres, par peur de voir émerger des zoonoses que la tendance des dernières décennies a été d’isoler les élevages le plus possible à l’aide de stricts protocoles de biosécurité. Les interactions entre l’agriculture, l’élevage, et le reste de l’écologie varient toutefois beaucoup d’un système agricole à un autre. Quel est l’impact de l’aménagement du territoire agricole sur l’émergence de zoonoses ?

Pour répondre à cette question, les auteurs ont catégorisé l’agencement des divers usages du territoire en différentes catégories d’intensification du système agricole allant du plus naturel jusqu’aux très grandes monocultures mécanisées. Ces différentes « matrices » ont été qualifiées selon leur propension à incuber des pathogènes et à agir comme barrières à la transmission, soit les deux facteurs utilisés pour quantifier l’immunité à l’échelle territoriale.

Une matrice supportant un grand nombre d’hôtes potentiels séparés en sous-populations isolées les unes des autres favorise l’incubation de pathogènes pouvant posséder des caractéristiques leur permettant de se transmettre aux humains. Cette situation est présente dans les élevages industriels et dans les grandes monocultures, qui sont d’excellents incubateurs et présentent peu de barrières naturelles à la transmission. Une matrice plus fragmentée, où plusieurs petites populations de différentes espèces cohabitent, est moins favorable à l’émergence de pathogènes capables de se transmettre aux humains. C’est le cas dans les systèmes agricoles à caractère plus agroécologique où la diversité d’espèces est très grande et où le paysage est très diversifié. De plus, la transmission d’humain à humain dans ces contextes est souvent limitée par la faible densité démographique.

Les enseignements

Plusieurs études se sont intéressées au développement des résistances aux antibiotiques dans les élevages et aux risques qu’une telle résistance peut représenter pour les humains. La pandémie de COVID-19, possiblement engendrée par une zoonose, a fait renaître l’intérêt pour la recherche sur le sujet. Au Québec, les fermes d’élevage de petite taille, diversifiées ou aux pratiques alternatives, suscitent l’inquiétude de l’industrie qui estime que le manque de rigueur ou certaines pratiques présentent des risques sanitaires. Il en est ainsi de l’élevage au pâturage, parce que les animaux sauvages comme les oiseaux migrateurs peuvent entrer en contact avec les animaux au pâturage. La diversification des espèces, souvent utilisée pour commercialiser en circuits courts, suscite également des inquiétudes parce que les différents élevages d’une même ferme pourraient se transmettre des infections entre eux. Sans invalider ces risques, la présente étude met en perspective d’autres conséquences de l’intensification et de la séparation des systèmes agricoles du reste de l’écologie. Les auteurs soulignent aussi que les caractéristiques des matrices sur lesquelles ils ont travaillé ont certes des caractéristiques écologiques, mais se construisent également sur des fondements économiques et sociaux.

pdf N°30, fiche n°4 – décembre 2023 – janvier 2024

Rédaction : Marilou Ethier, Pascal Genest-Richard, Patrick Mundler

Ce bulletin vous est offert avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ)