2.2.2. Typologies | Mémoire sur les communautés de pratique / cadre théorique

ℹ️ Contexte 
Cette note fait partie du carnet "La communauté de pratique comme stratégie de transfert de connaissances dans le champ de l’innovation sociale", un mémoire qui propose un regard critique sur le déploiement de la démarche Passerelles 1 (2018-2022) et qui vise à identifier les conditions de succès et les facteurs à considérer pour ce type particulier de communautés de pratique (CdP).
Table des matières | Résumé | Références

Il existe une large variété de types de CdP. Pour les décrire et mieux les comprendre, il peut être tentant de proposer une typologie. Cependant, catégoriser les différents types de CdP représente un exercice complexe. Si plusieurs auteur·trices proposent un système de classification, aucune proposition ne fait consensus.

Pour Parot et coll. (2004), il existe trois types de CdP :

  • les communautés thématiques, ou de métier, soit des individus confrontés à une même problématique qui se regroupent pour être plus fort individuellement et pour avoir accès à une somme de connaissances ;
  • la communauté d’innovation ou de progrès, avec l’objectif de devenir plus efficace collectivement en cherchant des solutions et en misant sur la collaboration dans une perspective d’amélioration continue ;
  • les communautés de projet, mises sur pied en fonction d’un objectif commun précis ainsi que des livrables prédéterminés.

L’Agence de la Santé et des Services de la Montérégie (2010) classe plutôt les communautés en fonction de leurs objectifs principaux. L’organisation en identifie cinq :

  • appliquer une nouvelle pratique ;
  • s’alimenter des meilleures pratiques et de la littérature scientifique ;
  • développer de nouvelles compétences ;
  • générer des connaissances ;
  • créer une communauté de recherche.

Probst et Borzillo (2007) proposent quant à eux trois types de CdP, qui amènent trois approches distinctes en termes de pilotage :

  • la communauté stratégique innovante, qui est propulsée en fonction d’intérêts stratégiques ;
  • la communauté d’excellence opérationnelle, qui mise sur des échanges de connaissances et de bonnes pratiques entre expert·es ;
  • ainsi qu’un espace social et productif, plus libre et convivial, basé sur le partage des expériences et des anecdotes, avec des objectifs plus généraux, mais plus difficilement mesurables.

Tremblay (2006) évoque trois types de communautés, en se basant plutôt sur leur degré de structuration :

  • les CdP informelles, regroupant des individus ayant des besoins et intérêts communs, avec un mandat déterminé conjointement, qui peuvent passer inaperçues tellement elles sont naturelles ;
  • les CdP soutenues, avec un mandat plus précis de développement de connaissances ou de compétences, plus soutenues par l’organisation et plus visibles ;
  • les CdP structurées, avec des objectifs et des buts communs déterminés par les parrains et marraines, des critères d’adhésion plus précis, qui deviennent des communautés complètement soutenues et fortement visibles.

Cette dernière catégorisation se rapproche d’une typologie proposée par Wenger (2005) :

  • la CdP invisible ;
  • la CdP marginale ;
  • la CdP légitimée ;
  • la CdP supportée ;
  • la CdP institutionnalisée.

Pour Kimble et Hildreth (2005), ces distinctions entre le caractère formel ou informel ne sont probablement pas les plus pertinentes, puisque les auteurs ne voient pas de corrélation claire entre cet aspect de la CdP et ses chances de succès.

Une caractéristique fondamentale retient l’attention de plusieurs auteurs (Boisvert, 2013 ; Bourhis et Tremblay, 2004 ; Cappe, Chanal et Rommeveaux, 2010) : le caractère spontané ou intentionnel (certain·es utilisent le terme commandé ou forcé) de la communauté. Dans le deuxième cas, les objectifs et les mandats sont prédéfinis, en fonction par exemple des besoins ou orientations stratégiques d’une organisation, ce qui ne permet pas aux membres de définir librement les règles de fonctionnement de la communauté.

Tremblay (2006) observe certains cas où le caractère imposé de la CdP nuit à la motivation des membres, proposant même que la co-définition du projet ainsi que l’impression de la part des membres de pouvoir influencer le développement de la CdP constituent des facteurs de succès : « les communautés sont en quelque sorte des organismes vivants qu’il convient de cultiver plutôt que de tenter d’en décréter l’existence, comme le font parfois certaines organisations » (p. 15).

La réalité serait cependant parfois plus nuancée, puisqu’entre l’approche ascendante et descendante, il se trouverait des cas fréquents de formalisation de groupes qui existaient de manière informelle (Bourhis et Tremblay, 2004).

2.2.2.1. Grille des caractéristiques structurelles

Plutôt que proposer une typologie, Dubé, Bourhis et Jacob (2006) définissent la CdP en fonction d’une grille de 21 caractéristiques structurelles (21 most meaningful structuring characteristics). La grille a été générée à partir de 18 études de cas. Il s’agit d’un système d’analyse qui mériterait encore d’être validé et approfondi sur la base d’études subséquentes, selon ses auteur·trices. Ce groupe propose cette grille d’analyse plus malléable et personnalisable, au lieu d’une approche uniformisée souvent préconisée dans la littérature. Une approche en fonction de critères trop pointus est réductrice selon les auteur·trices, alors que chaque CdP possède sa propre personnalité, et donc ses propres enjeux.

Tableau 3 - Caractéristiques structurelles — inspiré de Dubé, Bourhis et Jacob (2006)

A. Communauté

Orientation du mandat
Opérationnel ↔ Stratégique
En fonction de la mission de l’organisation ou de la pratique ?

Durée de vie
Temporaire ↔ Permanent
Durée indéterminée ou délimitée par un mandat précis ?

Âge et maturité
Jeune ↔ Vieux
La maturité ou le stade de développement peuvent être différents.

B. Contexte organisationnel

Processus de mise en place
Spontané ↔ Intentionnel
Communauté commandée par l’organisation ?

Fluidité des frontières
Rigides ↔ Fluides
Au-delà des divisions – professions – organisations ?

Soutien de l’environnement
Facilitant ↔ Obstruction
En fonction de la culture, du style de gestion…

Relâchement organisationnel
Élevé ↔ Bas
Gestion du changement et de l’apprentissage organisationnel.

Formalisation
Non reconnue ↔ Institutionnalisée
En marge, reconnue ou intégrée dans la structure ?

Leadership
Clair ↔ En négociation continue
Rôles prédéterminés ou évoluant au gré des dynamiques ?

C. Membership

Envergure
Restreinte ↔ Vaste
Nombre de membres.

Dispersion géographique
Proximité ↔ Éclatée
Étendue de territoire.

Sélection des membres
Ouverte ↔ Fermée
Tout le monde peut s’inscrire ou l’accès est restreint.

Engagement des membres
Volontaire ↔ Forcé
Selon l’intérêt, imposé, ou fortement encouragé ?

Dynamique préexistante
Aucune ↔ Enracinée
Les relations existaient ou il n’y a pas d’historique.

Stabilité du groupe
Stable ↔ Mouvant
Les membres restent les mêmes ou il y a une rotation

Compétences technologiques
Maîtrise ↔ Faible littératie
Dans l’ensemble du groupe et variabilité.

Diversité culturelle
Homogène ↔ Hétérogène
Nationales, organisationnelles et professionnelles.

Pertinence des sujets
Pertinents ↔ Désintérêt
Valeur pour l’organisation et pour les membres.

D. Environnement technologique

Dépendance aux technologies
Exclusif ↔ Multimodal
Proportion des activités en personne.

Diversité des outils
Restreint ↔ Diversification
Variabilité des outils numériques disponibles. 

2.2.2.2. Les communautés virtuelles

De nombreuses CdP utilisent des outils numériques synchrones ou asynchrones pour réaliser leurs activités, en tout ou en partie. L’augmentation de l’usage des outils numériques aurait d’ailleurs contribué à l’essor de l’intérêt envers les CdP, selon Dubé (2004).

Cette distinction n’est peut-être plus aussi pertinente aujourd’hui qu’elle l’a déjà été, puisque pour une large proportion de CdP, les activités se déroulent à la fois en ligne et en présentiel, dans des proportions variables et qui peuvent évoluer au fil du temps. De plus, rappellent Bourhis et Tremblay (2004), les CdP virtuelles diffèrent entre elles « et ne peuvent donc pas être traitées comme un concept unidimensionnel » (p. 26). Plusieurs conditions de succès des CdP sont les mêmes, peu importe les modes de communication utilisés.

Cependant, sur certains aspects, l’usage des outils numériques amène des considérations distinctes, mentionnent Dubé, Bourhis et Jacob (2006). Quelques auteur·trices proposent donc des conditions de succès s’appliquant spécifiquement à l’usage des outils numériques.

Suite : 2.2.3. L’apprentissage | Mémoire sur les communautés de pratique / cadre théorique

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Intégré par Joël Nadeau, le 5 décembre 2023 16:51
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5 décembre 2023

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6 décembre 2023 17:43

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