« Nous recrutons » : systèmes alimentaires alternatifs et qualité de l’emploi

Le système alimentaire industriel est souvent montré du doigt pour ses mauvaises conditions de travail. Cela ne concerne pas seulement les travailleurs agricoles sur les fermes, mais aussi les ouvriers dans l’industrie de la transformation et les employés chez les grands détaillants. La COVID-19 a mis au grand jour ces conditions difficiles, y compris au Québec. La question qui se pose dès lors est de savoir si les systèmes alimentaires alternatifs (SAA) peuvent offrir mieux. Or on en sait très peu sur les différents postes dans ces systèmes et sur les conditions salariales associées. Cette recherche tente de combler cette lacune, en analysant 44 782 offres d’emploi affichés entre 2010 et 2019 dans l’outil de recherche d’emploi Good Food Jobs, dédié aux SAA aux États-Unis.

Les postes standardisés en lien avec les services alimentaires, les ventes, l’agriculture et la manufacture (métiers de la transformation, comme les ouvriers dans les abattoirs, les boulangers, les assembleurs, etc.) représentent ensemble 68.4% de la demande totale de travail dans les SAA. Parmi les autres postes, outre l’administration et la gestion, les postes de travailleurs sociaux ou communautaires attirent l’attention (5.8% de la demande totale), car ces travailleurs sont directement impliqués dans la promotion des SAA. Toutes ces catégories d’emplois dans les SAA peinent à offrir des salaires décents, si on prend pour référence les dépenses de subsistance d’un individu vivant seul dans la région. Si sur une base annuelle, 57% des postes offraient un salaire décent, ce sont principalement des postes de direction et des postes à temps plein. En matière de compétitivité, par rapport à l’ensemble des sous-catégories d’emplois, seulement 12 postes offraient un salaire compétitif (soit supérieur au salaire médian pour ce poste dans l’ensemble des industries de la région). Ils se situaient principalement dans les services alimentaires (9), la vente aux consommateurs (2) et la distribution (les livreurs). Ce qui est notable, c’est que ces postes compétitifs semblent associés à une plus grande proximité avec le consommateur mais qu’ils n’offrent pas, malgré tout, un salaire considéré comme décent. Quant aux postes avec un salaire non compétitif, on les retrouve surtout dans la production agricole, le communautaire et dans les opérations commerciales et financières.

Les enseignements 

Même si cette analyse ne se base que sur les salaires et ne prend pas en compte la réalité du travail non rémunéré dans les SAA (bénévoles, stagiaires, etc.) ou d’autres aspects clés de la qualité de l’emploi (sécurité, protections sociales, satisfaction, etc.), elle soulève tout de même des questions préoccupantes sur les conditions d’emploi dans les systèmes dits « alternatifs ». Le travail communautaire, essentiel pour la promotion et le développement des SAA, peine à recevoir une reconnaissance financière adéquate. Et si les postes de proximité avec le consommateur figurent parmi les plus compétitifs, ils échouent néanmoins souvent à offrir un salaire considéré comme décent. Comme le rappelait une autre recherche sur ce sujet : l’enjeu des SAA n’est pas seulement de fournir de bons produits, mais aussi d’offrir de bons emplois.

pdf N°24, fiche n°5 – novembre – décembre 2022

Fiche n°5, Bulletin n°24 – novembre – décembre 2022
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Cette veille bibliographique vous est offerte par le groupe de recherche Agriculture, territoires et développement de l’Université Laval avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.