La résilience des circuits courts pendant la COVID-19

Avant la COVID-19, les produits locaux et régionaux (distribués par la vente directe au consommateur ou par vente indirecte) constituaient un marché d’environ 12 milliards de dollars américains, représentant 3% du marché alimentaire américain et impliquant près de 8% des fermes américaines. La pandémie de COVID-19 a d’abord sévèrement mis à l’épreuve ce secteur, notamment en contraignant les gouvernements à fermer totalement ou partiellement certains canaux par lesquels s’écoulaient les produits, comme les restaurants, les écoles et les universités. Les mesures de distanciation auxquelles ont dû se soumettre les marchés fermiers ou les kiosques à la ferme ont aussi grandement compliqué la vente des produits. Il a donc fallu trouver des solutions. Et les circuits courts semblent, dans le cas des États-Unis, avoir réussi à tirer leur épingle du jeu et à innover avec une agilité remarquable. C’est ce que suggère cet article. Il soutient aussi, exemples à l’appui, que ce sont les caractéristiques mêmes des circuits courts qui leur ont permis de s’adapter rapidement à ce nouvel environnement sanitaire et institutionnel.

Plus petits, plus connectés, plus agiles

Au printemps 2020, les restrictions amenées par la pandémie de COVID-19 ont tout de suite eu pour effet de ralentir considérablement les activités en circuits courts. Aux États-Unis, on estime à plus de 1,3 milliard de dollars de pertes subies dans les premières semaines. En dépit de cela, beaucoup de producteurs n’ont pas tardé à trouver des solutions de rechange pour écouler leurs produits. Le commerce électronique s’est notamment développé très rapidement. Les ventes alimentaires sur Internet ont explosé (avec des augmentations de volume pouvant aller jusqu’à 500% dans certains cas), en épiceries comme en circuits courts. Certains producteurs avec un compte inactif sur certaines plateformes de vente en ligne en ont profité pour réactiver leur profil, facilitant ainsi la transition électronique. D’autres ont dû en très peu de temps investir ces nouveaux canaux.

Les marchés fermiers ont commencé à proposer aux clients la possibilité de précommander sur Internet puis de venir récupérer leurs commandes, souvent plus importantes qu’elles ne l’auraient été sans l’achat en ligne. L’Agriculture Soutenue par la Communauté (ASC) n’a pas lésiné non plus sur les innovations (nouvelles modalités d’abonnement, livraisons plus flexibles, etc.). On a aussi vu des producteurs rechercher la coopération avec d’autres producteurs ou d’autres acteurs locaux pour diversifier leur offre et étendre leurs options de livraison. Finalement, le virage vers le commerce électronique en circuits courts a été accéléré mais s’est aussi réalisé avec moins de difficultés que ce qui était peut-être anticipé.

L’environnement institutionnel a lui aussi été déterminant dans ces transformations. Depuis longtemps, les promoteurs des circuits courts pointent du doigt des règlementations jugées insuffisamment adaptées à la réalité des petites fermes et au contexte des échanges en circuits courts. La COVID-19 a obligé les autorités à alléger certains processus de vérification ou d’inspection de la qualité (comme l’audit des fermes détenant une certification). Dans le même temps, les décideurs ont porté une attention plus soutenue à la lourdeur de certaines règlementations pour les petites et moyennes fermes. De tels ajustements ont été particulièrement remarquables dans le secteur de la viande, les petits transformateurs ont vu les réglementations contraignantes auxquels ils étaient soumis, allégées, sans compter les subventions mises à leur disposition.

L’environnement institutionnel a lui aussi été déterminant dans ces transformations. Depuis longtemps, les promoteurs des circuits courts pointent du doigt des règlementations jugées insuffisamment adaptées à la réalité des petites fermes et au contexte des échanges en circuits courts. La COVID-19 a obligé les autorités à alléger certains processus de vérification ou d’inspection de la qualité (comme l’audit des fermes détenant une certification). Dans le même temps, les décideurs ont porté une attention plus soutenue à la lourdeur de certaines règlementations pour les petites et moyennes fermes. De tels ajustements ont été particulièrement remarquables dans le secteur de la viande, les petits transformateurs ont vu les réglementations contraignantes auxquels ils étaient soumis, allégées, sans compter les subventions mises à leur disposition.

Alors que la menace d’une insécurité alimentaire exacerbée par la pandémie se précisait, plus d’yeux ont été braqués sur la position privilégiée des circuits courts pour servir les communautés défavorisées en situation d’urgence. Les systèmes alimentaires locaux ou régionaux se sont imposés pendant la crise comme un des vecteurs privilégiés d’acheminement de l’aide alimentaire d’urgence dans le cadre des programmes gouvernementaux. Ils étaient bien représentés dans les contrats de distribution de l’aide alimentaire d’urgence (18% de ces contrats impliquaient des producteurs en circuits courts) malgré leur position encore marginale dans le budget total de ces programmes.

En dépit de cet environnement plus accueillant – et il pourrait le rester bien après la COVID-19 –, il y a encore beaucoup à faire en matière de législation et de réglementation pour alléger le fardeau des fermes en circuits courts, jugent les auteurs. Pour certains observateurs, l’environnement institutionnel constitue encore un frein au développement de ces circuits, car mal adapté à leur réalité et à leurs besoins. Les auteurs en viennent donc à lancer un appel à plus de recherches sur la performance comparée des divers systèmes de distribution alimentaire pendant la COVID-19. Quel système a été le plus efficace ? Le plus résilient ? Comment mettre certaines données numériques à profit pour effectuer ces mesures ? Si la résilience implique une agriculture moins productive, comment arbitrer entre le souci d’efficacité et la nécessité d’avoir des systèmes alimentaires résilients dans un contexte où d’autres menaces futures se profilent pour le secteur ?

Les enseignements

La résilience des systèmes alimentaires a été au coeur des inquiétudes provoquées par la COVID-19. Jusqu’ici, tant au Nord qu’au Sud, on ne note ni rupture spectaculaire d’approvisionnement, ni flambée des prix, et ce malgré des prévisions beaucoup plus pessimistes en début de pandémie. Le débat sur la sécurité des approvisionnements et le rôle que peuvent jouer les circuits courts n’en est pas moins pertinent. Les auteurs de cet article montrent que les fermes en circuits courts bénéficient de divers atouts, notamment leur agilité, pour répondre aux défis posés par la pandémie. Dans le même temps, aucune ferme, grande ou petite, n’est capable d’augmenter sa production en l’espace de quelques jours. Les systèmes de paniers, ou les marchés de proximité ont dû faire face à un afflux de demande auquel ils étaient peu préparés. Et changer son système en profondeur pour une demande dont on ne sait si elle est seulement de circonstance peut être extrêmement risqué, d’autant que certains agriculteurs ont publiquement témoigné de la fragilité de la demande liée à la COVID-19. Ces questions sont cruciales, d’autant que de nombreux experts estiment que la crise de la COVID-19 est un révélateur des dangers entraînés par la destruction des habitats et l’érosion de la biodiversité, tant sauvage que cultivée, dont l’industrialisation de l’agriculture et l’uniformisation des pratiques et des espèces sont en partie responsables.

pdf N°14, fiche n°4 - décembre 2020 - janvier 2021

Fiche n°4, Bulletin n°14 – décembre 2020 – janvier 2021
Rédaction: Stevens Azima & Patrick Mundler

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Intégré par Anne-Sophie Thomas, le 19 octobre 2023 14:54
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Circuit court, Environnement, Fiche

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Publication

1 décembre 2021

Modification

28 octobre 2024 08:56

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Pour citer cette note

Patrick Mundler. (2021). La résilience des circuits courts pendant la COVID-19. Praxis (consulté le 14 novembre 2024), https://praxis.encommun.io/n/Vh-Pqd6AEkwtMf9aPfq0mo-VAwQ/.

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