1.3. Du Central des agents ruraux à la plateforme Passerelles | Mémoire sur les communautés de pratique / problématique

ℹ️ Contexte 
Cette note fait partie du carnet "La communauté de pratique comme stratégie de transfert de connaissances dans le champ de l’innovation sociale", un mémoire qui propose un regard critique sur le déploiement de la démarche Passerelles 1 (2018-2022) et qui vise à identifier les conditions de succès et les facteurs à considérer pour ce type particulier de communautés de pratique (CdP).
Table des matières | Résumé | Références

Solidarité rurale du Québec (SRQ) est une des organisations qui a expérimenté l’approche de la CdP pour répondre à des enjeux de collaboration et d’apprentissage dans un contexte d’innovation sociale. Parmi ses responsabilités, cette organisation panquébécoise veillait au développement des compétences des agent·es de développement rural, notamment par la formation professionnelle et le réseautage.

Rattaché·es à la Politique nationale de la ruralité à partir de 2001, ces agent·es de développement rural avaient le mandat d’animer, de mobiliser et de fournir une aide technique aux démarches des communautés rurales ainsi qu’au travail de concertation de la MRC. Elles et ils agissaient donc sur un territoire donné tout en répondant à des orientations nationales.

Exercer la fonction d’agent·e de développement rural comportait des défis de taille, étant donné la complexité des enjeux, la diversité des acteur·trices concerné·es et les nombreuses contraintes présentes (Lachapelle et Bourque, 2014, p. 8). Cette situation était accentuée par le peu de formation offerte, le roulement élevé de main-d’œuvre dans certains milieux et la dispersion géographique de ces quelque 120 agent·es. En plus de la production d’outils et la tenue d’une formation annuelle, SRQ a mis en place une CdP pour mieux répondre à ces enjeux.

1.3.1.  Le Central des agents : une CdP interrégionale

D’abord informelle, l’animation de la communauté était réalisée par un employé de SRQ et s’appuyait essentiellement sur des conversations téléphoniques. En 2008, SRQ a déployé une plateforme numérique, nommée le Central des agents.

L’outil, développé sur mesure à partir du logiciel Drupal, facilitait l’accès aux ressources disponibles et permettait aux agent·es de partager les bonnes pratiques, de discuter sur des enjeux spécifiques et d’interpeler les membres de la communauté pour trouver des solutions face à des problèmes vécus sur le terrain. Ces échanges permettaient d’apprendre les un·es des autres, de faciliter l’entrée en fonction des nouvelles personnes et de créer de nouveaux guides pratiques et ressources utiles.

Aucune évaluation formelle de cette CdP virtuelle n’a été réalisée, mais les membres ont témoigné de leur forte appréciation de la démarche. Dans un mémoire déposé au gouvernement, SRQ recommandait d’accroître le potentiel de collaboration apporté par le numérique, qui peut faciliter les complémentarités entre les territoires :

« Le réseautage collaboratif en ligne favorise les échanges d’expériences et enrichit les connaissances et les approches des professionnels de développement, comme c’est notamment le cas du réseau des agents de développement rural. » (Ferdous et Jacob, 2010, p. 32)

Si l’activité sur la plateforme était d’intensité variable et que certaines personnes ont surtout consulté les ressources disponibles, la démarche a permis à plusieurs agent·es de

« partager leurs expériences, les modèles, les outils et les meilleures pratiques, en plus de contrer l’isolement, d’apprendre les uns des autres et d’interagir régulièrement dans le but d’innover et d’évoluer professionnellement. » (SRQ, 2011, p. 21)

L’animation soutenue de la part de l’équipe de SRQ était vue comme un facteur essentiel à la réussite de cette démarche.

Un groupe de travail portant sur l’avenir du Central des agents, constitué en 2012, a recommandé élargissement à d’autres personnes agissant en développement territorial. Si un espace privé s’appuyant sur une confiance réciproque était nécessaire, des besoins de décloisonnement et de collaboration entre champs professionnels étaient également présents. Cette collaboration élargie était considérée comme potentiellement utile que ce soit à l’échelle d’une MRC, d’une région ou de la province.

La troisième mouture de la Politique nationale de la ruralité, qui était alors en cours de rédaction, encourageait d’ailleurs l’action intersectorielle entre les acteur·trices impliqué·es dans le développement des milieux, permettant « la mise en commun de leurs compétences particulières, des besoins auxquels ils entendent répondre et des visées qu’ils souhaitent atteindre » (ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire, 2013, p. 22). Cette approche était alors vue comme « plus complexe, mais d’autant plus profitable et durable pour les communautés concernées » (idem, p. 22).

En 2014, les orientations gouvernementales ont été révisées et des changements drastiques sont opérés dans les instances de développement territorial. La troisième Politique nationale de la ruralité n’a pas été mise en œuvre, les Conseils régionaux des élu·es ont été abolis, tandis que SRQ a perdu son financement et que de nombreux Centres locaux de développement ont été fermés ou intégrés à la structure des MRC. Plusieurs agent·es de développement rural ont vu leur poste aboli ou transformé.

Faute de financement et d’animation, le Central des agents a été fermé l’année suivante.

S’il reste quelques réseaux régionaux de collaboration rassemblant les responsables du développement rural (notamment dans Chaudière-Appalaches et en Gaspésie), il n’existe plus de réseau interrégional, même si le besoin reste présent.

1.3.2.  Un besoin de collaboration intersectorielle bien présent

Les milieux se sont réorganisés selon des principes, des finalités, des priorités, des modalités et des échelles divergeant d’un territoire à l’autre. Cette situation contribue à créer des iniquités territoriales et rend plus difficiles les échanges entre les pair·es des différents territoires.

Les iniquités apparentes ont parfois été accentuées par les l’arrivée de bailleurs de fonds philanthropiques venus combler depuis 2015 le désinvestissement public. Selon une étude d’Opération veille et soutien stratégique, ces fonds « viennent remplir des vides, mais ceci crée quand même de l’iniquité et des disparités en matière de développement des communautés à travers le Québec » (Opération veille et soutien stratégique, 2022, p. 2).

Une étude du Centre de recherche et de consultation en organisation communautaire (Lachapelle et Morin, 2021) estime le « modèle québécois mis à mal par les décennies de gestion néolibérale » (p. 65). Les auteur·trices concluent que les efforts pour créer des espaces démocratiques de concertation et de convergence sont « porteurs d’alternatives pour mettre en marche concrètement la transition socioécologique » et qu’il importe de « mettre en place des démarches permettant de miser sur le partage des savoirs dans une certaine durée » (idem, p. 65).

La complexité des enjeux actuels demande par ailleurs une concertation entre différentes échelles territoriales. On peut penser par exemple à la lutte aux changements climatiques, l’autonomie alimentaire, l’accès aux transports et la réussite éducative, nécessitant une action intersectorielle simultanée à l’échelle locale et régionale. Cette réalité génère « des défis supplémentaires à l’interne qui peuvent devenir en soi des obstacles au bon fonctionnement d’une démarche territoriale et à l’arrimage des différents paliers qui y sont impliqués de près ou de loin » (Opération veille et soutien stratégique, 2022-B, p. 2).

La concertation est également nécessaire entre des professionnel·les provenant de différentes organisations et de différents champs d’action complémentaires. Pour Lachapelle (2017), cela génère une certaine fragilité et demande une construction de la confiance, alors que les acteur·trices s’identifient davantage à leur organisation d’attache : « même si toutes ces personnes ont des pratiques professionnelles qui relèvent de l’organisation communautaire ou qui s’y apparentent, cela ne semble pas constituer une base suffisante d’organisation professionnelle » (p. 129). Selon cet auteur, les CdP actuelles, formalisées ou non, ont néanmoins un potentiel d’élargissement étant donné les besoins de concertation intersectorielle.

Ce besoin a été validé dans le cadre d’une vaste consultation menée par l’organisation Territoires innovants en économie sociale et solidaire en 2016 et ayant mené à la création de la plateforme collaborative Passerelles.

Dans plusieurs secteurs (développement territorial, action communautaire, services de proximité, économie circulaire, etc.) et partout sur le territoire, les gens ont exprimé le souhait de briser l’isolement, de dégager une meilleure compréhension des enjeux territoriaux, de connaître les démarches en cours dans les autres milieux, de s’inspirer des bonnes pratiques, d’avoir un accès plus facile aux résultats de la recherche et aux outils disponibles, ainsi que de multiplier les occasions de collaboration entre les secteurs et entre les territoires.

Un constat semblable s’est dégagé de la démarche « Corenforcement des capacités pour des changements systémiques justes, inclusifs et durables » menée avec une cinquantaine d’acteur·trices en 2019 par Innoweave et Communagir (Bhéreur-Lagounaris, A., Gaudet J. et Meunier, A., 2022). Ce projet visait à identifier les neuf principales capacités pour des changements systémiques justes, inclusifs et durables. Trois des neuf capacités identifiées soulignent l’importance de la collaboration :

Capacité nº 2 : Capacité de créer des ponts :

« Une action structurante sur certaines problématiques implique de tisser des collaborations au-delà des frontières existantes entre acteurs de différents secteurs ou domaines. Créer des ponts est un défi important rencontré par toutes les démarches collectives. » (Bhéreur-Lagounaris, A., Gaudet J. et Meunier, A., 2022, p. 7)

Capacité nº 8 : Capacité de dialoguer dans des contextes de complexité :

« Garder le dialogue vivant dans la complexité et ses compétences apparaît crucial pour que toutes les forces puissent être mises à contribution et corenforcées et non accentuer les vases clos. » (idem, p. 13).

Capacité nº 9 : Capacité de médiation et mobilisation des connaissances :

« Des connaissances mieux nommées, imagées, vulgarisées, communiquées et diffusées permettent de mieux avancer vers un vivre ensemble, malgré les différents niveaux d’interventions et d’apprentissages de chacune des parties, à chacune des étapes. » (idem, p. 14).

Une dixième capacité a été identifiée par la suite, celle de réfléchir de manière systémique, impliquant notamment de « voir que son système, celui de son organisation et ceux des organisations voisines touchent d’autres systèmes en interdépendances » (idem, p. 15). Comme nous le verrons plus loin, les CdP peuvent faciliter un tel jeu de négociation et de mise en relation.

Aux États-Unis, une démarche semblable nommée « Inner Development Goals (IDG) project » a permis d’identifier 23 compétences clés pour favoriser le développement durable. Elles ont été regroupées en 5 catégories (Henriksson et coll., 2021) :

  1. Being—Relationship to Self
  2. Thinking—Cognitive Skills
  3. Relating—Caring for Others and the World
  4. Collaborating—Social Skills
  5. Acting—Driving Change

Les compétences liées à la collaboration sont :

  • la communication,
  • la co-création,
  • un état d’esprit inclusif et des compétences interculturelles,
  • la confiance ainsi que
  • la mobilisation.

Concernant la co-création, les auteur·trices précisent : « Skills and motivation to build, develop and facilitate collaborative relationships with diverse stake-holders, characterized by psychological safety and genuine co-creation » (Henriksson et coll., 2021, p. 20).

Certains voient dans la collaboration intersectorielle un levier pour favoriser l’innovation, tel que souligné dans une lettre ouverte publiée en mai 2021 (Carmichael, Le Quotidien) par le G15+, un regroupement de 15 organisations :

« Aujourd’hui, tout le monde est très très spécialisé dans son silo, mais l’innovation est à la rencontre de toutes ces spécialités. La solution n’existe pas, mais elle est dans l’intelligence collective, et on veut trouver le point de rencontre. » (Carmichael, Le Quotidien, paragr. 18)

Le même constat se fait ailleurs dans le monde. Par exemple, en France une enquête a été réalisée auprès d’une quarantaine de porteur·euses de projets dans le but d’identifier des leviers pour soutenir des initiatives citoyennes (Vincent, 2022). Le premier levier identifié était la valorisation et la coopération :

« donner une plus grande visibilité aux petites initiatives et encourager davantage la fertilisation croisée, en documentant les initiatives (y compris les moins visibles), en les relayant, en les aidant à produire des supports de communication ou à organiser des rencontres pour partager leurs expériences. » (Vincent, 2022, paragr. 16)

On peut supposer que l’animation d’espaces de collaboration et le développement d’une culture favorisant la circulation des informations et le partage des connaissances contribuent à rendre les communautés plus résilientes face aux crises. Cette impression exprimée par différent·es acteur·trices a été validée dans le cadre d’une autre étude réalisée par Opération veille et soutien stratégique en 2020 dans le but d’analyser la capacité des communautés à s’adapter dans le contexte de pandémie de COVID-19.

1.3.3.  Les origines de Passerelles

En 2016, l’organisation Territoires innovants en économie sociale et solidaire (TIESS) a exploré la possibilité de relancer le Central des agents ruraux et d’en élargir la portée. Cette démarche visait plus globalement à répondre à des besoins exprimés par les partenaires de cette organisation.

Le TIESS est une organisation de liaison et de transfert en innovation sociale créée en 2013. Cet organisme à but non lucratif (OBNL), un réseau qui regroupe une quarantaine d’organisations, a comme mission de contribuer au développement territorial par le transfert de connaissances en outillant les organismes d’économie sociale et solidaire afin qu’ils puissent faire face aux enjeux de société de façon innovante et transformer leurs pratiques.  

Son action s’articule autour de trois mandats, soit la liaison, la veille et le transfert. La liaison consiste à développer et renforcer les liens, la veille permet de répertorier et diffuser les expériences et les travaux existants, tandis que le transfert de connaissances vise à rendre accessibles les connaissances et les informations existantes et à intégrer des connaissances ou des procédés nouveaux dans la pratique des organisations.

Il était naturel pour le TIESS de développer un outil numérique et de concevoir une démarche d’animation permettant d’outiller l’écosystème pour faciliter les opérations de liaison, de veille et de transfert. La direction, avec l’appui du conseil d’administration, a décidé d’embaucher un contractuel responsable de définir les contours de la démarche en janvier 2016. Un comité de pilotage a été mis en place. Un financement de 500 000 $ a été confirmé par le ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec pour une première phase de développement de trois ans.

Ce financement, complété par des contributions de la Fédération des caisses Desjardins du Québec et de la Fondation Lucie et André Chagnon, a permis de lancer une consultation pour valider le besoin et d’impliquer l’ensemble des parties prenantes dans la conception du projet. Ainsi ont été consultés des professionnel·les du développement, des organisations de soutien, des réseaux sectoriels, des entreprises, des organisations communautaires et des centres de recherche.

Le besoin a été confirmé par l’ensemble des acteur·trices concerné·es. L’idée de se doter d’une plateforme numérique a été également validée et des fonctionnalités prioritaires ont été identifiées. La mise en place d’une démarche d’animation a été identifiée comme une action prioritaire et des balises ont été définies. Par exemple, les organisations souhaitaient animer leurs propres réseaux et recevoir un soutien pour cette animation.

En partant de ces constats, le TIESS a conçu en 2017 Passerelles, une « plateforme collaborative éthique qui rapproche les personnes, les idées et les territoires » (extrait du site internet Passerelles.quebec), dédiée principalement aux personnes œuvrant dans les secteurs de l’économie sociale, du développement territorial et de l’innovation sociale. Passerelles avait également l’ambition de constituer une « vaste communauté qui rassemble l’ensemble des personnes qui œuvrent pour la transformation sociale » (idem).

Le rôle du TIESS était alors de rendre disponible cet outil numérique, d’offrir un soutien à l’animation des groupes de collaboration et d’effectuer une animation transversale pour favoriser les échanges entre les groupes. Un comité de pilotage a été mis en place pour appuyer ce développement. Une professionnelle supplémentaire a été engagée et l’ensemble de l’équipe du TIESS a apporté un soutien à la mobilisation des réseaux.

Une recherche a été effectuée pour identifier un outil numérique approprié. Plus de 150 logiciels, plateformes et applications ont été répertoriés et testés. Aucun ne permettait de répondre adéquatement aux besoins prioritaires identifiés. Les outils étaient soit difficilement personnalisables, ou encore ils ne permettaient pas de répondre de manière précise aux besoins identifiés (par exemple la création de groupes privés et de groupes ouverts à tous les membres). Certains ont été éliminés puisqu’ils posaient des enjeux éthiques, n’étaient disponibles qu’en anglais ou encore parce qu’ils étaient trop coûteux.

Le choix a donc été fait de développer une plateforme sur mesure. Encore une fois, divers scénarios ont été étudiés. L’idée de développer une plateforme à partir d’un CMS libre a été retenue (Drupal, version 7). Cette option présentait certaines limites en termes de convivialité et de performance et puisqu’un renouvellement technologique allait s’imposer en 20221.  Néanmoins, elle présentait des avantages considérables tels que le faible coût, la possibilité d’adaptation des fonctionnalités selon les besoins, la personnalisation de l’environnement graphique, un plein contrôle sur la gestion des données, etc. En outre, cette approche allait permettre de tester rapidement une solution, ce qui allait aider à valider les hypothèses de départ tout en assurant une évolution dans la durée de la plateforme. Un contrat a été donné à une firme de développement (Mutualit’). La conception s’est effectuée à l’automne 2017 et les développements ont été amorcés au début de l’année 2018.

L’animation des groupes ouverts à tous·tes et le soutien à l’animation se sont élaborés dès le départ en s’inspirant de l’approche des CdP. Des spécialistes du domaine ont été rencontré·es de même des responsables de l’animation de CdP existantes. Une revue de littérature a été rédigée dans le cadre d’un programme à la TÉLUQ en 2018. Une attention particulière a été portée sur les étapes de conception d’une CdP, sur l’animation ainsi que sur les conditions de succès.

Le TIESS ­voyait dans la CdP une stratégie appropriée pour répondre aux besoins de veille, de liaison et de transfert de connaissances. Inspiré par des écrits de Wenger, McDermott et Snyder (2001) à propos des « chevauchements2 » entre les communautés, Passerelles a été conçue comme une « mosaïque » de CdP.

L’architecture de l’outil numérique a été conçue pour permettre des échanges entre les CdP privées et des échanges publics au sein de groupes ouverts, nommés des communautés territoriales et des communautés thématiques. Une personne qui devenait membre d’une ou de plusieurs communautés était alors en mesure de partager une publication au sein d’un groupe restreint, d’élargir sa diffusion à plusieurs groupes ou de cibler un public large lié à un territoire ou ayant un intérêt pour une thématique donnée.

De nombreuses possibilités de constitution de CdP ont été identifiées à partir d’une analyse des besoins. Les personnes consultées ont confirmé le souhait de collaborer au sein d’une CdP donnée, mais également d’échanger avec d’autres groupes agissant sur des problématiques connexes. Des projets pilotes ont été constitués à l’été 2018 et les premiers tests ont été effectués sur la plateforme numérique alors en développement.

Une stratégie d’évaluation évolutive et participative a été conçue (voir en annexe). Le modèle de changement sur lequel elle s’appuyait concernait les effets à court terme (circulation des connaissances, collaboration, réseautage), à moyen terme (portrait d’enjeux sur un territoire, co-apprentissage, concertation autour d’enjeux communs, création de nouvelles connaissances, développement des compétences) et à long terme (pouvoir collectif, vision commune, consolidation et émergence d’initiatives). L’impact ultime identifié était « l’émergence de modèle de développement et de solutions innovantes et durables ».

Figure 1 - Modèle de changement de Passerelles

L’énoncé d’impact prévoyait d’ici 2023 la mise en place de conditions favorables au changement des pratiques en s’appuyant notamment sur :

  • « le renforcement et le développement de liens de collaboration intersectoriels et interrégionaux, pour :
    • les réseaux,
    • au moins 400 organisations,
    • et au moins 2500 personnes (professionnels, chercheurs et citoyens) ;
  • au partage, au développement, à l’appropriation, au transfert et à la conservation des expertises et connaissances, permettant :
    • une compréhension plus fine et partagée des enjeux, le développement de compétences personnelles et professionnelles pour agir sur ces enjeux,
    • l’émergence de nouveaux outils d’analyse et de nouveaux modèles de développement, etc. »
      (stratégie d’évaluation de Passerelles, disponible en annexe, p. 5)

La version publique de Passerelles a été lancée en septembre 2018. La plateforme s’est fait connaître rapidement dans certains milieux, entre autres grâce au soutien de l’ensemble de l’équipe du TIESS, du réseau de partenaires qui appuyait la démarche et de nombreuses présentations en personnes et en ligne réalisée par l’équipe responsable du projet. Cette approche a été privilégiée à une campagne de publicité visant un large public dans l’intention d’assurer une cohésion et un climat de confiance entre les premières personnes à utiliser la plateforme.

Les activités se sont mises en place progressivement sur Passerelles, notamment dans les communautés thématiques. De nombreuses personnes ont contacté l’équipe pour soumettre des projets de CdP et pour évaluer si Passerelles pouvait répondre à leurs besoins. L’équipe responsable a accompagné plusieurs de ces groupes, a contribué à la mise en ligne de contenus et à l’animation des espaces communs. Elle a également développé des ressources de soutien, notamment un guide sur la conception des CdP, des webinaires, une CdP portant sur l’animation et un atelier public de co-design.

De nouvelles fonctionnalités ont été développées sur la plateforme et des améliorations ont été apportées en continu à l’expérience utilisateur·trice, souvent en réponse à des propositions apportées par les utilisateur·trices. De nouvelles sections ont été développées sur la plateforme, notamment un lexique collaboratif et une cartographie des initiatives en transition socioécologique. Tangram, un outil permettant de repérer les ressources et expertises, qui a été développé à l’origine par la Maison de l’innovation sociale, a aussi été intégré à Passerelles.

En 2019, le financement a été reconduit pour une seconde phase sur une période de deux années, permettant de poursuivre l’expérimentation, d’en évaluer les effets et de concevoir un plan de développement pour assurer la pérennité de la démarche.

Pour le TIESS, cette démarche est devenue un laboratoire d’expérimentation. La technologie elle-même était vue comme un développement itératif sous forme de prototypage continu, visant à faciliter divers usages numériques de base pour soutenir la collaboration asynchrone et pour constituer des répertoires communs de ressources dans un environnement relativement léger.

Le TIESS a progressivement développé une expertise en soutien aux CdP. Ce soutien concernait autant la conception du projet, les stratégies de mobilisation des membres, le démarrage des activités que l’animation des échanges et l’évolution de la CdP.

Près de 200 responsables d’animation ont ainsi été rencontrés, parfois lors d’une simple séance de discussion et parfois dans le cadre d’un accompagnement soutenu sur une période de quelques semaines à quelques mois.

L’animation transversale effectuée par le TIESS s’est elle aussi définie progressivement. D’abord minimale et très générale, elle s’est concentrée sur l’animation dans les communautés thématiques. Pour répondre aux besoins et aux attentes des membres, ce travail d’animation s’est transformé en un travail de veille, de curation et d’organisation des contenus.

Une infolettre présentant une sélection éditoriale de 70 à 90 contenus publics partagés sur Passerelles était diffusée toutes les deux semaines et rejoignait 3500 abonné·es en septembre 2021.

Notes

  • [1] Initialement prévue pour février 2022, la fin de vue de la version 7 de Drupal a finalement été repoussée par la communauté de développeur·euses à novembre 2023 puis à janvier 2025 (source).
  • [2] Ce concept, qui désigne les échanges possibles entre les CdP, est abordé plus en détails dans le cadre théorique.

Suite : 1.4. Résultats du déploiement de Passerelles après 3 ans | Mémoire sur les communautés de pratique / problématique

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Intégré par Joël Nadeau, le 5 décembre 2023 12:03
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