4.13. Un climat de confiance propice aux échanges | Mémoire sur les communautés de pratique / résultats

ℹ️ Contexte 
Cette note fait partie du carnet "La communauté de pratique comme stratégie de transfert de connaissances dans le champ de l’innovation sociale", un mémoire qui propose un regard critique sur le déploiement de la démarche Passerelles 1 (2018-2022) et qui vise à identifier les conditions de succès et les facteurs à considérer pour ce type particulier de communautés de pratique (CdP).
Table des matières | Résumé | Références

Des enjeux liés à la confiance entre des personnes issues de diverses organisations ou de différents secteurs d’activités et déjà soulignés dans le cadre des consultations ont pu être corroborés par les observations réalisées dans les cas étudiés. Ces enjeux constituaient des obstacles au potentiel de collaboration et de co-apprentissage, voire de partage de ressources, que ce soit au sein de Passerelles ou d’une même CdP.

Parmi ces enjeux, notons les habitudes de travail en silo, les tensions entre centaines organisations et la compétition parfois présente. Cette compétition se manifestait notamment concernant le positionnement stratégique des organisations dans le milieu, c’est-à-dire la définition de leurs rôles, leurs mandats et leurs complémentarités avec l’écosystème, et concernant la recherche de financement dans un contexte de ressources limitées. Cette réalité a pu se manifester par des tensions entre les membres d’une même CdP.

On pouvait aussi constater des réflexes de résistance face au partage d’informations stratégiques ou des connaissances développées au sein d’une organisation donnée, « comme si le fait de ne pas partager avec d’autres protégeait la légitimité de l’organisation dans son champ de compétences », a expliqué une animatrice.

Rester la ou le seul·e propriétaire de certaines connaissances stratégiques serait parfois considéré comme une manière d’éviter que des organisations concurrentes puissent à leur tour en bénéficier dans leur offre de services. Notons néanmoins que ces réactions ne sont pas généralisées et que la plupart des organisations offrant des services d’expertise-conseil s’appuient sur des compétences liées aux processus, telles que l’accompagnement, l’analyse critique et la facilitation, plutôt que sur un répertoire de connaissances protégées.

Certaines estiment même que le partage de connaissances est une manière de faire reconnaître une expertise et de développer de nouvelles occasions de partenariats. Les discours sur les savoirs ouverts et sur l’importance de favoriser leur libre circulation sont également de plus en plus présents.

Il est possible de remarquer une méfiance entre certains types d’acteur·trices. Par exemple, dans la CdP 3 (présentation des cas), les professionnel·les qui agissaient sur le terrain craignent de devenir des sujets de recherche et les chercheurs craignent d’être instrumentalisés ou perçus comme des consultant·es. Dans les CdP 1 et 4, les consultant·es étaient parfois perçu·es comme des personnes qui venaient identifier des opportunités et qui s’informent davantage qu’ils ne partagent.

Dans les CdP 1 et 2, les réseaux sectoriels étaient parfois perçus comme des organisations travaillant d’abord pour leurs propres intérêts et qui démontraient peu d’ouverture face aux critiques ou aux innovations radicales, jugées menaçantes.

Au sein des CdP 1, 2 et 3, des groupes plus militants estimaient que les milieux institutionnels manquent d’initiatives et travaillaient d’abord pour maintenir un certain statuquo. Nos observations amènent généralement à mitiger ces craintes et à constater qu’elles relèvent davantage d’idées reçues que d’une réalité tangible. Ce type de méfiance peut néanmoins affecter le climat de confiance et doit être pris en considération, notamment dans la stratégie d’animation.

Dans des CdP plus vastes, le fait de ne pas connaître personnellement les autres membres semblait nuire à la confiance. L’animatrice de la CdP 4 émettait l’hypothèse que « la création d’une cartographie des acteurs serait aidante, puisque présentement, on ne sait pas à qui on s’adresse et on connaît mal le positionnement de chacun ».

4.13.1. Diversité des organisations d’attache

Nous pouvons également supposer que la grande diversité des organisations d’attache des membres impliqués dans les CdP amène des difficultés supplémentaires. Chacune de ces organisations possède ses propres pratiques, sa culture de travail, sa manière de partager des connaissances et, comme nous l’avons vu, leur vocabulaire.

Chaque organisation possède ses propres objectifs, évalue son action à partir d’indicateurs qui lui sont propres et agit selon un rythme qui n’est pas toujours compatible avec la temporalité des autres parties prenantes.         Par exemple, en général, la recherche s’effectue sur un temps long tandis que les porteur·euses de projets mènent des actions sur des cycles courts. Dans un même secteur, certaines organisations sont moins agiles que d’autres, ce qui est parfois une conséquence de structures de gouvernances complexes.  

Comme mentionné dans le cadre théorique, la plupart des CdP étudiées dans la littérature sont constituées au sein d’une même organisation. On peut supposer que le fait de partager un même contexte organisationnel facilite les arrimages et l’identification à des principes et cadres de références communs. Le contexte de la pratique, la formation et le langage utilisé sont davantage uniformisés. Outre les tensions qui peuvent exister entre les individus, chaque membre travaille normalement en fonction des objectifs stratégiques mis de l’avant par l’organisation.

Dans les CdP observées ici dans le champ de l’innovation sociale, où on retrouvait des acteur·trices ayant des contextes variés et où il existait des tensions, un travail supplémentaire devait être effectué pour permettre ces arrimages et la construction de la confiance. Cette diversité pouvait cependant avoir des retombées positives, puisque l’hétérogénéité pouvait enrichir les perspectives des un·es et des autres, permettre l’émergence de collaborations inédites et constituer un terreau fertile à l’innovation.

Travailler sur le climat de confiance au sein de ces CdP amènait en réalité à travailler sur la confiance entre les acteur·trices au sein d’un écosystème. Le travail était important et parsemé de défis, mais il était susceptible d’avoir des effets qui dépassaient largement le bénéfice des CdP.

Ultimement, il s’agit aussi peut-être d’un travail qui contribue au développement d’une culture de collaboration et d’apprentissage et qui favorise les rapprochements entre les organisations. Plus généralement, ces liens semblent se construire grâce aux rapprochements entre des individus qui font partie des organisations et qui apprennent à travailler ensemble au sein de CdP intersectorielles portant sur des enjeux spécifiques ou transversaux. Il serait d’ailleurs intéressant d’étudier les CdP comme espaces de médiation et comme stratégies visant à renforcer des écosystèmes. 

Suite : 4.14. Une ouverture d’esprit et une ouverture aux divergences | Mémoire sur les communautés de pratique / résultats

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Intégré par Joël Nadeau, le 6 décembre 2023 10:31
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6 décembre 2023

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6 décembre 2023 17:39

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