Le concept de « système alimentaire » devient un outil privilégié pour approcher la complexité du fait alimentaire. Mais comment organiser les activités qui s’y déroulent de façon à atteindre le fonctionnement souhaité. Différentes approches de leur gouvernance existent et l’article présenté ici en passe cinq en revues. D’abord, les réseaux alimentaires alternatifs regroupant les circuits courts, la production biologique, l’alimentation locale ou encore le commerce équitable, présentés comme des « alternatives » au système alimentaire dominant et motivés par un projet de resocialisation et de relocalisation de l’alimentation. Un ensemble de bénéfices leur sont associés, avec la « qualité » comme attribut central. Outre une certaine tendance à confondre « local » et « qualité », les auteurs notent leur manque de viabilité économique et leur forte dépendance à des mécanismes sociaux (dons, bénévolat, travail familial, etc.). L’approche par les circuits courts est intimement liée aux réseaux alternatifs, avec un accent sur un nombre limité d’intermédiaires et sur les interactions sociales.
Ensuite, l’approche biorégionale entend déplacer l’attention vers les relations entre l’humain et son milieu naturel. L’image du « bassin versant » est empruntée pour délimiter l’espace géographique (bassin alimentaire) duquel pourraient provenir les aliments dont une population se nourrit. En plus des difficultés d’établir concrètement les frontières des biorégions et des bassins alimentaires, les auteurs notent qu’il est souvent reproché à cette perspective une vision trop fermée sur elle-même. L’examen des échanges et relations rural-urbain est une autre approche, qui permet de dévoiler deux angles morts des politiques économiques : 1) le biais en faveur du financement et des investissements urbains; 2) le biais en faveur du monde rural dans les politiques agricoles. Cette approche permet in fine d’aller plus loin que le continuum rural-urbain, et de reconnaitre les villes à la fois comme consommatrices et productrices en matière d’alimentation.
Enfin, une approche proche de la précédente est celle de city-region food systems. Il s’agit ici de considérer une ville et son territoire périphérique, incluant les zones péri-urbaines et l’arrière-pays rural, comme un tout et d’impliquer ainsi activement les villes dans la planification alimentaire. Selon ses défenseurs, ce concept permet de prendre acte des liens écologiques et socio-économiques qui unissent les centres urbains et leur périphérie. Sa difficulté principale est de coordonner les parties prenantes si on veut éviter une approche verticale, d’autant qu’en se mettant au centre du système, la ville risque de réveiller les craintes des espaces périurbains et ruraux qui l’entourent d’être pensés comme étant au service de la ville.
Les enseignements
Après les biorégions, la city-region food systems est l’une des approches que l’on a peu présenté dans cette veille. Elle a été par exemple mobilisée pour étudier le système alimentaire de la Grande Région de Québec. Cette approche pousse à imaginer un cadre de gouvernance intégré favorisant les échanges et les partenariats entre les pouvoirs publics, les entreprises et les associations. Elle permet aussi de mieux gérer les multiples pressions exercées par les villes sur l’urbanisation de leur périphérie et la relégation des activités de production agricole. En permettant de dépasser la dichotomie rural-urbain, elle crée des espaces participatifs pour transformer le système alimentaire à l’échelle locale.
pdf N°23, fiche n°3 – septembre – octobre 2022
Fiche n°3, Bulletin n°23 – septembre – octobre 2022
Rédaction : Stevens Azima & Patrick MundlerCette veille bibliographique vous est offerte par le groupe de recherche Agriculture, territoires et développement de l’Université Laval avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.