La collaboration entre acteurs pour promouvoir l’alimentation locale

La coopération continue d’intriguer économistes, sociologues et politologues. Certes courante dans les sociétés humaines, sa nécessité et son émergence ne sont pas toujours bien comprises. Par exemple, pourquoi des producteurs ou des associations se mettent-ils ensemble pour faire fonctionner un marché fermier plutôt que de simplement faire cavalier seul ? La même question pourrait être posée pour les coopératives de consommateurs, de producteurs, pour les incubateurs d’entreprises, pour ne citer que ces exemples dans le secteur alimentaire.

Il existe de nombreuses théories pour expliquer l’action collective. Dans cet article, on suppose que la collaboration entre les acteurs se met en place lorsque l’État échoue à fournir correctement un bien ou un service public. Mais cette collaboration implique un processus, au cours duquel la confiance, l’engagement, une vision partagée et des interactions directes s’entre-influencent. Plutôt que de la voir comme un événement ponctuel, il faut regarder la situation des acteurs avant la collaboration, les arrangements institutionnels (les règles et contrats en jeu), le leadership qui rend possible la collaboration, ainsi que les résultats de cette collaboration. Cet article offre une synthèse des enseignements à tirer de 55 des recherches publiées au cours de la décennie 2010-2020 sur la collaboration au sein des systèmes alimentaires locaux.

Le grand constat qui ressort de l’examen de ces recherches est qu’elles ont peu traité la nature du leadership dans les initiatives collectives (qui insuffle l’idée de constituer ces regroupements ?), les relations initiales entre les organisations impliquées (à quoi les acteurs doivent-ils renoncer quand ils rejoignent un collectif ?). La recherche a aussi rarement évalué (de façon rigoureuse) les retombées de la collaboration, les aspirations de ces initiatives ne devant pas être confondues avec leurs performances réelles et leur contribution objective dans la transition vers un système alimentaire plus durable. En revanche, la littérature a abondamment étudié tout ce qui est environnement institutionnel (interne ou externe) de ces initiatives collectives et le processus de construction d’une collaboration entre des organisations appelées à cultiver la confiance, partager des valeurs, s’engager pour une cause et communiquer (face à face) les unes avec les autres. Les travaux confirment que ce sont là, lorsque réunis, autant de facteurs de succès des collectifs qui font la promotion d’une alimentation locale.

Les enseignements

La pérennité des collectifs dans les systèmes alimentaires alternatifs a reçu beaucoup d’attention au cours des dernières décennies. Dans les bulletins précédents, on a relaté différentes expériences de structures collectives importantes et qui parviennent à se maintenir, comme la coopérative de consommateurs Seikatsu au Japon. Mais on a aussi parlé des énormes défis auxquels sont confrontés ces collectifs. Au Québec, malgré l’apparente progression des marchés publics, des coopératives et autres regroupements en circuits courts, la pérennité de ces collectifs reste fragile. L’une des clés du succès semble se trouver dans la force de l’engagement des membres et dans leur compréhension que la structure collective est le prolongement de la ferme et non un prestataire de services extérieur à celle-ci. À l’heure où de nombreux acteurs s’interrogent sur le développement de nouveaux outils collectifs, comme par exemple des plateformes régionales de stockage et de distribution, cet article apporte des éléments de compréhension concernant l’action collective dans les systèmes alimentaires alternatifs.

pdf N°20, fiche n°4 – mars – avril 2022

Fiche n°4, Bulletin n°20 – mars – avril 2022
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Cette veille bibliographique vous est offerte par le groupe de recherche Agriculture, territoires et développement de l’Université Laval avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.